On se doit d’apprendre à vivre sans coupe-feu

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Cher Pierre,
On se réveille au-dessus du brouillard, mais il m’avale, moi et la Nissan, à l’extrémité du plateau de Sainte-Catherine. J’en ressors au Mont, dessous ; la couverture nuageuse ne se déchirera pas.

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Je prépare ma journée à la volée, enchaîne cinq périodes, mange à la Châtaigne un vol-au-vent ; enseigne à nouveau jusqu’à 15 heures 30, avant de monter au Chalet-des-Enfants : là-haut le soleil se couche.
Alors que les difficultés, innombrables je le crains, s'amoncèlent aux quatre coins de la terre, aussi bien du point de vue de la gestion de nos besoins que de nos relations au sein de notre espèce, que certains états essaient de tirer les marrons du feu, alors que deux ou trois groupes dictent les règles du jeu et que les individus les plus habiles jouent les premiers rôles, j’imagine que les innombrables chicanes qui nous attendent au réveil se sont dissipées pour toujours, comme ces fumées à l'arrière des pipers et des gros-porteurs qui sillonnent le ciel, à nouveau bleu, bleu ciel, ciel sans nuage ; j’imagine la paix perpétuelle le jour de sa signature, j’imagine l’humanité au matin de ce jour, effrayée, ne désirant en réalité pas plus l’établissement de son règne que celui de l’éternité, désemparée devant les heures creuses.
Paix et éternité, l’homme les craint, repoussant à plus tard ces images qui sont celles de sa ruine ; elles lui rappellent sous le soleil et les mauvaises herbes que la terre peut faire sans lui ; et s’il s’affaire autour des conditions de son existence, c’est pour mieux passer à côté de celle-ci et s’en plaindre. Plus rien ne nous protège de nous-mêmes, ni l’étendue qui nous entoure, ni le rien qui nous enveloppe et nous pousse. On se doit d’apprendre à vivre sans coupe-feu en s’écartant du tintamarre des nations.
JLK me fait savoir que Le Matin Dimanche lui a demandé de présenter trois livres de la rentrée hors-rentrée, Marges sera le premier. Il termine son mot par des condoléances amicales. Je monterai un de ces quatre à la Désirade, en voisin ; je l’ai aperçu à l’Estrée l’année dernière, à l’occasion de la remise du prix Edouard-Rod, je crois me souvenir de sa voix.
Sandra et Louise sont allées au CHUV cet après-midi, elles reviennent avec de bonnes nouvelles. Mais Louise a oublié une fois encore d’offrir à Xavier un exemplaire de Marges ; j’aurais voulu qu’il le feuillète avant qu’on se voie mercredi prochain à Oron. Je prépare deux quiches et une salade.

Jean Prod’hom