Le loup dans la bergerie



Que nous apprennent les livres mis bout à bout dans nos bibliothèques sinon qu'il tiennent debout ensemble, épaule contre épaule, qu'il y a presque toujours, quel que soit le principe d'organisation adopté, une place pour y glisser un nouvel arrivant. Pourtant tôt ou tard, même si l'on a pris des marges très généreuses, l'apparition d'un seul livre nous oblige à tout déplacer, à tout reprendre, à modifier l'ordre de fond en comble.
A moins que... On peut en effet modestement accueillir le nouveau venu hors tout classement, comme le dernier venu, comme celui qui n'a pas encore de place, un peu comme la Métaphysique d'Aristote, dont la préposition méta "pourrait n'être qu'une indication sur un ordre de lecture ou de classement de textes, fournie pour un érudit ancien: à lire ou à classer après les textes de physique" (Richard Bodéüs, 2002).
On peut encore le laisser là comme une pierre sur un plateau de go.
Si la succession des événements répond à un ordre imposé comme la juxtaposition des livres dans nos bibliothèques, l'imprévu survient tôt ou tard et bouleverse l'une et l'autre. Comme n'importe quel événement le fait à l'égard de l'histoire, le livre alimente nos rayons, les met en question et nous en éloigne.

Jean Prod’hom