Dimanche 5 septembre 2010



Au clocher d’Hermenches l’horloge n’avait qu’une aiguille – qu’une main. Pas de minutes, de belles heures toutes rondes, jamais mordues.

Gustave Roud


Le vent officiait très haut à l’heure du culte et le ciel était nu. Daniel avait labouré le champ de blé rentré il y a une semaine et l’horizon s’était abaissé d’un bon mètre. Il avait passé la herse la veille si bien que la terre était montée – avec des crêtes de chaume – jusqu’au pied du potager, elle léchait même ceux du banc sur lequel j’étais assis. Une faible bise, orientée est-nord-est, a fait monter soudain le tintement sourd des cloches des villages en contrebas. Un tintement lointain, à peine perceptible, assez toutefois pour réveiller ceux qui ne dorment pas et les débarrasser des petits soucis qui guettent ceux qui n’ont rien à faire.
Des aiguilles, les horloges n’en avaient plus aucune ce matin, et le temps s’est mis à écarter les bras, et tous ceux qui tendaient l’oreille se sont mis à espérer que les cloches, lorsqu’elles faisaient mine de se taire, rajoutent une mesure à Carrouge ou à Mézières, pour creuser un peu plus encore la campagne, jusqu’au silence qui règnerait cet après-midi dans les déserts, les beaux et précieux déserts de nos dimanches.

Jean Prod’hom