Colonzelle



Chacune a commencé il y a plusieurs jours déjà à se déployer comme un éventail, discrètement, sans qu'on y croie trop, répondant individuellement à un appel dont on préfère en définitive ne rien savoir. Et aujourd'hui midi on ne compte plus les feuilles sans nombre du tilleul, on en rêvait et on l'accepte. Les longues pousses de l'année passée, souples et effrontées, se balancent et s'élancent rouges dans le ciel bleu curie.
La fenêtre est ouverte à l'étage, les passereaux y ont pris leur quartier pour la première fois cette année, le dedans et le dehors ont basculé l'un dans l'autre, on n'attend plus de consolation des tableaux accrochés aux murs, les draps battent des ailes aux étendages de fortune, on fleurit l'intérieur des maisons, la chaise oubliée en novembre sert à nouveau, on a laissé la clef à la porte de l'atelier, les célibataires lisent le journal sur les perrons.
Plus de dedans ni de dehors quelques mois durant, et quand le soir vient, quand les enfants dorment, on espère que le jour se prolonge encore un peu.

Jean Prod’hom