J'aperçois ce matin deux chevreuils

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Cher Pierre,
J'aperçois ce matin deux chevreuils, près du réservoir de la Mussilly, à l'abri dans la brouille, les dépouilles, la pluie et les bois gris. Ils paraissent moins inquiets, hésitent, curieux même. Me voient-ils comme je les vois dans la brouille et les bois ? Eux et moi, gris sous la pluie ?

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Les deux démolisseurs sont déjà au travail ; je fais la causette sur le seuil avec l'un d'eux, il me confie la peine qu'il a, chaque jour, à remettre la machine en route. Ils s'attaquent aujourd'hui aux murs du salon, à la masse d'abord, au burin ensuite. Dehors les cytises et les boutons d'or, les pissenlits, les colzas. Bientôt le trèfle et les épilobes, les scabieuses, les centaurées et les bleuets.
A midi au café, une femme demande à l'homme qui lui fait face ce qu'il pense de la mort.
- C'est effrayant, dit-elle, rien qu'à y penser ; dites, à quoi ressemble le paradis ?
- A ces points que la caissière des grandes surfaces propose au client, le samedi matin, lorsqu'il a payé son dû, ou à ces images qu'attendent ses enfants.
- C'est ça, dit-elle, ça doit être ça.
Ils sourient, ces images et ces points qu'on leur tend, le samedi matin, dans les grandes surfaces, ni l'un ni l'autre ne les prend.
Dans la boîte aux lettres un livre, en guise de remerciement pour un billet de 2011 ; et en rentrant de Thierrens, un chevreuil encore, près de l'étang.

Jean Prod’hom