A vau-l'eau



Les plumassiers
s’attaquaient au gros oeuvre
en plein air
si bien que le duvet
des nouveaux-nés
poussé par le vent
dans le lacis des rues
frémissaient
sur les pavés de briques

dans les entrepôts ouverts
autrefois occupés par des négociants
peu d’espaces dégagés
d’un bout à l’autre des bateaux
tirés sur des ponts de poutres mal équarries
galets alignés sur la terre battue

devant les huttes
les acacias imputrescibles
mêlaient leurs senteurs
au fenouil sauvage

dans les cours intérieures
pas de fleurs à bulbe
mais de l’eau dans les caves

la passion pour les affaires privées
avait pousser les derniers arrivants
à concevoir de grandes places
sans verdure
traversées seulement par des canaux
aux rives solides et bien travaillées
dressés les uns contre les autres
mais que l’eau enclose
dans les lacs artificiels du pied des collines
ne parvenait pas à ravitailler

canaux inutiles donc
on avait atteint le point du non retour
les esprits s’enlisaient
il était loin le temps où les hommes
entraient dans leurs maisons
à la proue de leurs bateaux
couronnés

la capitale de l’île allait à vau-l’eau
et la demi-circulation généralisée
allait précipiter les événements
par-dessus bord

Jean Prod’hom