Va pour une journée de transition

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Cher Pierre,
Va pour une journée de transition, une journée qui ne retient rien, une journée qui s’ouvre dès l’aube sur le dehors, bien décidée à se déployer sur ses propres versants. En de telles circonstances, il n’y a rien à quoi s’accrocher, alors on glisse, creux, lisse et transparent. Deux mésanges font taire les voix qui s’affairent, un grand drap blanc se soulève. La place ne manque pas, mais ce qu'on s’était promis de faire disparaît dans un bâillement.

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On longe les heures par le dedans, légèrement ivre, complice des mares qui ne lâchent qu'un peu d'eau, des canards, complice de la première dent-de-lion, des voies de chemin de fer désaffectées, des ronciers.
On n’attend rien, on ne demande rien. Il n'y a pas de raison pour que cette transition s'arrête, on l'imagine reconduite à l'infini, débordante de vitalité. Et les quelques idées auxquelles on tenait se mêlent au vol des papillons, dans une lumière dilatée qui tient éloignées les choses et les saisons. Une montgolfière monte dans le ciel.
Je passe au CHUV entre 5 et 6. F veut sortir, une ceinture la retenait autrefois, c’est un sécuritas qui lui barre la route aujourd'hui en exécutant une vilaine danse. F est sur le point de hausser le ton pour le faire reculer. Je lève la mienne, chante, déclame pour la détourner de la seule porte qui lui reste et qu'on lui interdit d'emprunter. Je lui raconte une histoire dont elle ne veut rien entendre.
Remonte à Oron, bois une verveine au café de l'Union en mettant à jour mon agenda : je descendrai seul à Colonzelle, à la veille de Pâques ; assisterai lundi au vernissage des Voyages d’écritures de Denise Lach à Terres d'écriture, rencontrerai Christine en fin de semaine, lui raconterai où j'en suis, lui parlerai de ma collaboration avec Yves et Anne-Hélène que j'aurai vus le 27.
J’avance aujourd’hui à l’estime, sans carte, et la fragilité des objets que je conçois m’oblige d’autant plus à leur faire confiance que je n’ai rien d’autre à leur disputer.

Jean Prod’hom