Dimanche 31 mai 2009



Il songe à ce qui pourrait fournir une image approchée de sa condition, le voici à la barre d'un rafiot de moins de dix mètres, ses compagnons d'équipage ivres et épuisés. N'en pouvant plus de regarder fixement dans la nuit la boussole pour maintenir le cap, il s'était étendu sur la banquette arrière, calé contre les reins de l'Ecume de mer tenant l'âme du bateau et les vies des ses amis dans la main droite, il avait navigué dans le ciel, parmi les étoiles, jusqu'à Termoli.

Il se dit réaliste lorsqu'il bêche son coin de jardin, roule sur le plateau de Sainte-Catherine ou prépare de la purée de pomme de terre, idéaliste lorsqu'il pense à ses origines, à sa vie et à sa fin. S'il est convaincu qu'il ne restera rien de son corps malgré les promesses qui lui ont été faites naguère, il juge fort probable qu'un peu de son âme et quelques pensées en exercice veilleront et frémiront lorsque ceux qui resteront essaieront de comprendre dans le miroir leur image surgie de nulle part, lorsqu'ils apercevront par la fenêtre les généreuses traînées de crème dans le ciel et le miel abondant du mois de juin.
Les choses tiennent ensemble par la grâce des âmes invisibles qui les agrègent et des pensées innombrables qui les trament.

Jean Prod’hom