Des fumées gris de cendre

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Des fumées gris de cendre patientent à l'arrière de la voûte du ciel, porte ouest, restes d'un feu qui a pris à l'arrière et qui attendent leur heure pour s'installer insidieusement de notre côté.
Je me suis réveillé à 6 heures 30, mais levé une heure plus tard. C'est en considérant le mince filet d'eau sortant de la pomme de la douche, à 8 heures 05, que je m'en rappelle, la commune a annoncé une coupure d'eau entre 8 heures et midi.

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Dehors les fumées ont disparu, la fin du monde différée, Jeremy passe me prendre à un peu plus de 9 heures. On dit bonjour à Jean-Jacques et Pierrot qui attendent l'appareilleur, ils sont au bord d'une fouille devant l'Ancien Collège, une conduite fuit, 30 ou 40 litres minute.
Pause un peu avant Martigny, je trouve la feuille Saint-Léonard qui me manquait et qui couvre la balade projetée. Saint-Séverin, Sensine, Erde, Daillon et les Mayens de Conthey mitent les flancs du Sex Riond. On laisse la voiture à 1600 mètres, un peu au-dessus d'Incron, il est bientôt midi. Les épicéas et les mélèzes nous offrent un peu d'ombre jusqu'à un peu plus de 1800 mètres. Je fais signe à une jeep qui monte à l'alpage de Flore, c'est un paysan de Palézieux qui loue l'alpage depuis vingt ans. Il nous laisse devant le chalet. On poursuit sur un sentier qui se faufile dans les pâturages jusqu'à l'Etang des Trente Pas.
Un troupeau de vaches d'Hérens paissent à la Chaux du Larzey, peu de mouvements, les reines de demain, parfois, font fuir les reines d'hier et les jeunettes qui pourraient leur faire de l'ombre. La retenue de l'étang, pierres sèches, ne sert pas, l'étang est à sec. Aurai croisé en montant un parterre d'orchis vanillés et dans la tourbe de l'étang un tapis de linaigrettes et de prêles.
On monte à travers les pâturages jusqu'à la croix de l'Achia qui met en communication le flanc droit de la vallée de la Morge et le bassin supérieur de la Lizerne. Nous sommes à plus de 2300 mètres, entre le Mont Gond et la Fava, avec en face de nous le glacier de Tsanfleuron et les roches nues et lisses sous Prarochet, barre infranchissable sur laquelle se dressent la proue du massif des Diablerets, la Quille du Diable, l'Oldenhorn et le Mont Brun. On devine au bout de la ligne le col du Sanetsch. Dessous la Lizerne qui cherche la meilleure pente et Derborence. Derborence, le mot chante doux ; il vous chante doux et un peu triste dans la tête. Il commence assez dur et marqué, puis hésite et retombe, pendant qu’on se le chante encore, Derborence, et finit à vide ; comme s’il voulait signifier par là la ruine, l’isolement, l’oubli.
Dans notre dos, de l'autre côté de la vallée du Rhône, la Dent Blanche, le Weisshorn, le Cervin, le Grand Combin. Plus loin le Mont Blanc qui s'impose chaque fois que la pente raidit. On marche, après le col, sur une pâte de débris d'ardoises à la couleur indécise, gris de fusion, presque noire, ou presque blanche, difficile à dire. Le Mont Gond, qu'on appelait autrefois Pointe de Flore, se livre en rose lorsqu'on l'a contourné, on retrouve bientôt le vert des prés, le gîte de Lodze, sa yourte et nos familles. Il est six heures mois un quart. Nous avions rendez-vous à six heures.

Jean Prod’hom


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