Dernière épreuve écrite aujourd’hui

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Cher Pierre,
Dernière épreuve écrite aujourd’hui, mais une semaine encore d’examens ; une semaine pour dire en anglais, en allemand, en français, que quelque chose s’achève ; le mousse voit le bout, passe ses après-midis à la piscine de Moudon, en rentre réjoui ; ces examens, dit-il, c’est bien le meilleur moment de l’école obligatoire. Suivra après-demain un long été – de cet été-là, tout le monde se souvient – qui nous verra, lui et moi, passer à autre chose.

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Je n’imaginais pas que mon père puisse se rendre compte alors que d’autres que lui me nourrissaient depuis longtemps déjà, que mon émancipation n’était pas de la veille et que j’étais bien loin de l’image qu’il se faisait de moi.
Il devinait pourtant, peut-être, ce que j’ignorais encore, que je m’étais déjà brûlé les ailes, plus d’une fois, et que ces épisodes n’avaient refroidi ni mes ardeurs ni mon envie de prendre de la hauteur. Il avait saisi, je crois, qu’il n’était plus temps de discuter mais d’accepter. Il m’avait fait confiance en silence, comme je devais le faire désormais.
Il aura fallu du temps pour que je comprenne cette chose toute simple qui assure la succession des générations : le mousse est devenu le capitaine d’une embarcation qui n’est pas la sienne, qu’il a retapée loin des regards, sans piper mot, une embarcation qui ne lui préexistait pas ; d’autres que moi l’ont aidé à la mettre à l’eau. Nous sommes deux aujourd’hui à n’avoir rien vu venir : mon père et moi.

Jean Prod’hom