Dimanche 18 juillet 2010



Martin, frappé par la lèpre dans les dernières années du septième siècle, ne put continuer à exercer son ministère d'évêque à Saint-Paul-Trois-Châteaux. Il décida donc de se retirer à la campagne, chez un ami, dans une ferme foraine de Taulignan, dans un coin de pays qu'on appellera plus tard le quartier de Saint-Martin.
Avant d'entreprendre ce voyage, Martin étudia avec soin les cartes qu'il avait à sa disposition pour couper au plus court. Il prépara son sac : un morceau de pain, quelques habits de rechange et trois fois rien.
Il rejoignit le lendemain par la D 59 puis la D 71 Monségur-sur-Lauzun où il s'arrêta dans une grange pour la nuit. Le lendemain il reprit sa route, la D 71 b jusqu'à Charavan. C'est peu après le bois de chênes verts jouxtant cet ancien domaine qu'il se glissa dans le lit du Lez. Il lui suffit alors de mettre un pied devant l'autre, c'était l'été, les eaux étaient basses. Il laissa à sa droite Colonzelle, à sa gauche Chamaret. Il parvint aux environs du village provençal actuel à l'est de Grignan où il fit étape. La matinée du lendemain lui suffit pour rejoindre au fil du Lez la D 167 qui le conduisit au perron de chez son ami de Taulignan. Il passa des jours heureux, il guérit même de la lèpre mais n'en dit rien. Il préféra vivre là, loin de la surcharge de travail que lui aurait immanquablement amenée les habitants du diocèse de Saint-Paul.
C'est à sa mort seulement qu'on apprit qu'il avait découvert sous des ormeaux une source qui guérissait les maladies de la peau. On l'éleva derechef au rang de saint et on cultiva ses restes qu'on enchâssa dans un reliquaire d'or placé au fond d'une petite chapelle édifiée à côté de la source. On n'hésita pas à organiser des processions en temps de sécheresse ou de canicule. Et le Lez profita des miracles de saint Martin des Ormeaux. On s'y baignait jusqu'à Bollène.
Un temps seulement, car on s'arracha ses reliques qui voyagèrent de Taulignan à La-Roche-Saint-Secret, de La-Roche-Saint-Secret à Valreas. La volonté des habitants de Taulignan de récupérer leur bien amena tant de désordres que les Valréassiens renoncèrent à sortir les reliques de leur saint lors de la procession du 23 juin. En 1504, ils substituèrent au culte de saint Martin celui de saint Jean Baptiste fêté le 24 juin.
On peut voir aujourd'hui les reliques de saint Martin des Ormeaux croupir dans l'obscurité d'une chapelle au sud du chevet de l'église paroissiale de Valreas. Les fonds baptismaux sont secs, l'église aussi. Quant aux eaux du Lez, elles broient du noir chaque jour davantage.

Jean Prod’hom