Rue Marie vierge



Nos existences se sont singulièrement allégées depuis qu'on arrache les unes après les autres chacune des pages de l'histoire brochée de nos villes. On découvre au détour de nos pérégrinations des scénographies inouïes à l'image des vies minuscles de leurs locataires, des blessures béantes cousues main, forcloses jusque-là.
Des restes adhèrent encore comme des chairs molles au recto de vieilles boîtes vides, ce sont celles des fantômes avec lesquels on vivait. Il faut pourtant tourner la page, sans espérer quoi que ce soit de nos anciennes habitudes, ni feuille ni crayon, ni gomme. Plus de réparation mais des marges d'erreur prises en considération avant même de commencer, une succession d'éditions princeps.
A chaque fois il faudra donc tout reprendre sans pagination fixe, condamnés que nous sommes à ne plus pouvoir en sortir et à devoir lire en tous sens. Mon imaginaire oscille, au-delà des images, comme sur un tape-cul.


Jean Prod’hom