En distinguant les idiots des princes

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Cher Pierre,
Nous avons, Sandra et moi, emmené les filles aux bains d’Yverdon, nous y avons croisé Martine et ses deux petits-enfants. La baignoire a été installée, bonne chose de faite. Arthur en a fini ce soir avec quelques-uns des jardins privatifs de la région ; il aura pour la première fois de sa vie, avec Marc-André et Guillaume – des habitués de cette filière –, enchaîné neuf heures de travail, cinq jours de suite, quel que soit le temps, bise, pluie ou soleil. Biner, sarcler, désherber, daller, tailler, tondre, émonder, râteler, ramasser, transporter, composter,... Différence et répétition.

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En hiver, les arbres font cause commune en croisant sans contrepartie leurs branches noires ; la neige fait briller parfois le dessus de leurs bras, mais aucun d’eux ne fait bande à part, ils quadrillent une partie de go qui n’aura pas lieu
Au printemps et en été, du tilleul à la bouteille, tous les verts ne font qu’un, creusent sous les frondaisons une ombre si fraîche et si profonde qu’on en oublie le ciel.
C’est en automne seulement que les arbres se redressent et font voir leur territoire, leur profil, leurs couleurs, les relations qu’ils entretienne avec leurs voisins. Et si nous regardons de près, si nous prenons le temps et ne craignons pas d’avoir la tête qui tourne, il semble soudain que nous les connaissons tous, ou chacun ; capables d’identifier leur contour et leur ancrage, leurs habitudes, de leur donner un nom ou un sobriquet, capables de distinguer les idiots des princes, les têtes en l’air des tire-au-flanc, de les regrouper par deux ou par trois, par îlots ou familles, pleins de la vie qu’on leur attribue. On voudrait les saluer un à un, ils sont trop nombreux.

Jean Prod’hom


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