Moratel

Cully / 15 heures

Lili – qui est rentrée plus tard qu’elle l’avait annoncé – a toussé jusqu’à très tard hier soir, si bien que je ne dors qu’à moitié, plus du tout lorsque le réveil me rappelle à l’ordre. Il est 6 heures, je descends à la cuisine, prépare des sandwiches et une tarte aux poires, conduis Louise aux Croisettes, feuillète quelques livres empilés sur mon bureau que j’escomptais lire avant de me lancer dans le grand bain: ils me tombent des mains; je bois un café, ouvre aux poules, guigne dans la chambre de Lili que la sonnerie de son réveil ne formalise pas, grignote un morceau de pain et des grains de raisin.

Cris et chuchotements, Ingmar Bergman, 1972.

Fin d’après-midi au Tranquille. Atelier d’écriture proposé par Vincent Delfosse, un amateur de haïkus, qui met à notre disposition des cartons de toutes les couleurs, un Polaroïd, du scotch et une merveilleuse petite machine qui, par une seule pression, ouvre dans le carton, là où on le souhaite, une fenêtre de 3.5 x 3.5.
Anne-Hélène et Nadhir nous servent des tranches de gâteau aux pommes, au vin cuit et aux prunes à discrétion. Pour le reste, une heure et demie de stabulation libre.

 

Santa Ana de Chipaya / Google Earth

Bibliothèque / 21 heures

Sandra se lève à cinq heures, je l’aperçois une seconde, une silhouette, et me rendors. Emmène A. et Lili à 9 heures à Forel; Tornade est couché dans le pré, avec une pie à ses côtés, les filles s’en étonnent; Peluche et Charlie ne quittent pas la balle de foin. Je file à Oron remplir un chariot de marchandises qui devraient assurer notre survie jusqu’à vendredi prochain.

À la boucherie d’Oron, on est sur un nuage, la patronne débite de la viande séchée en regardant au loin, rêveuse, je m’inquiète mais elle sourit large, ce n’est pas la fatigue, les vacances ne lui manquent pas, elle n’attend pas le week-end; bien au contraire, un téléphone les a avertis ce matin à 9 heures que la fine fleur des bouchers et charcutiers suisses de la Mefa réunis à Bâle leur avait attribué des lauriers. Son mari, elle et leur équipe ont gagné en effet deux médailles d’argent pour les deux produits qu’ils ont présentés, un pavé de porc au poivre et un saucisson de bœuf, conçu à partir d’une ancienne recette de saucisson de mule  fabriqué du côté d’Arles.
Le patron se rend à Bâle demain pour y être officiellement décoré, toute son équipe l’accompagnera mardi prochain pour fêter leur succès et se réjouir de la reconnaissance de leurs pairs. Pas question de prendre une voiture ce jour-là qu’ils veulent pouvoir arroser, ils monteront dans le train à Palézieux.

Je reprends les filles à Forel, dépose A. à Mézières et fais une halte à la laiterie de Corcelles. Après-midi studieux, le dernier autour de Jankelevitch et des artes moriendi.
Lili et A. se sont faites toute belles, il y a fête à Moille-Margot, je les y conduis, puis lis au bistrot, en attendant Louise, un texte amazonien d’Alfred Métraux intitulé Le Caractère de la conquête des Jésuites. On rentre, Louise n’a pas très faim mais le sourire. Elle mange des chips et trois quartiers de pomme, je finis la soupe. En route pour une visite sur Google Earth de Santa Ana de Chipaya.

La Prélaz

Pampigny / 18 heures

Matinée studieuse en compagnie du vieux Isak des Fraises sauvages, puis des Fragments autobiographiques de Frances Yates dont L’Art de la mémoire, vanté par Enrico Castelnuovo, m’avait enchanté il y a plus de quarante ans. Entre deux, fin de matinée, balade avec Oscar à la Mussilly. Lili me fait faux bond à midi et je croque seul la moitié de la pizza que j’ai glissée au four.

Le Père Nicolas Caussin de la Compagnie de Jésus publie en 1624 un ouvrage dans lequel il invite les hommes à la perfection, en mêlant traités, maximes, exemples, vies d’hommes illustres d’hier et d’aujourd’hui,… Je lis dans le second volume de sa Cour sainte – second traité, troisième ordre – ce qu’il dit de l’un des plus importants métiers qui soit au monde… 

celui de bien mourir; jamais on ne l’exerce qu’une fois et si on manque de le bien faire, on est perdu sans ressource.  C’est le dernier trait du tableau de notre vie, la dernière lueur du flambeau qui s’éteint, le dernier éclat du Soleil qui se couche, la fin de la carrière qui met fin à la course, le grand sceau qui scelle toutes nos actions. On peut corriger à la mort tous les défauts d’une mauvaise vie, et toutes les vertus d’une bonne vie sont gâtées, et souillées par une mauvaise mort.

Suivent cinq pages dans lesquelles le Jésuite expose les trois conditions d’une mort réussie : la résolution, le détachement et l’union, offrant en exemple la passion de Marie. Je retournerai à cet Ars moriendi qui, dans le silence assourdissant entourant la mort aujourd’hui, me semble mériter, parole d’agnostique, une attention soutenue.

Louise rentre de l’école avec deux amies; quant à Lili, son rhume ne l’empêche pas d’aller faire du cheval à Pampigny. Pour éviter Cossonay, on passe par Gollion et Vullierens. Verveine au café du Chêne, lecture de La Mort d’Ivan Ilitch; je me rends compte, à l’instant de payer, que j’ai oublié mon portemonnaie; je le retrouve dans la voiture; je paie donc, reprends Lili au manège; je m’avise à l’entrée de Cossonay que j’ai oublié mon porte-monnaie au café du Chêne où l’on retourne en vitesse.
Bouchon sur l’autoroute, on rentre par Cheseaux et l’abbaye de Montheron. Repas sans Arthur qui est à l’entraînement: salade et rouleaux de printemps. Sandra ne fait pas longs feux, elle prend le train demain à l’aube pour un week-end à Milan avec deux amies. Louise et Lili vont se coucher peu après.