XXIII

La communication des personnes par la médiation de Dieu était une réponse belle et économique à la question de la communication des substances. On s’en rend compte aujourd’hui dans la transformation anarchique de notre paysage dans lequel prolifèrent chaque jour d’avantage des antennes de téléphonie mobile. Elles sont partout: sur des immeubles locatifs, au milieu des champs, à l’intérieur des tunnels, au sommet des montagnes, sur le toit de nos bâtiments publics. On en a même vu même sur des cabines téléphoniques.
Nous ne pourrons cependant revenir en arrière. J’en ai pris conscience hier soir lorsque j’ai avoué à ceux à côté desquels j’étais assis que je préférais, à la location pour mille francs par mois d’une antenne supplémentaire au sommet de l’église du village, la construction d’un minaret en bordure de la route qui mène au cimetière.
J’ai compris à l’oeil assassin que m’ont lancé mes voisins de table ce que c’était qu’une fatwa. Car s’ils ne croient pas en Dieu, ils ne supportent pas non plus l’idée qu’un autre dieu puisse faire de l’ombre à leur incrédulité. Mes amis sont prêts à de nouvelles croisades.

Jean Prod’hom

Retour du global



L’homme s’est extrait de la glu de ses convictions pour en étudier la teneur, l’organisation et les raisons, il s’est libéré des particularismes locaux pour élaborer une vision générale commandée par les seules contraintes globales, il a dégagé l’essentiel du circonstanciel et a énoncé les lois auxquelles se soumettent désormais nos vies. Le voici libre. Et pourtant il se sent égaré de n’avoir pas pris les précautions qu’il eût fallu pour que la maison quittée puisse demeurer nôtre, il nous a manqué d’un Poucet qui nous aurait permis de revenir vers nos pénates qui recèlent encore d’innombrables secrets.
Le but fixé il y a quatre siècles était ambitieux, le succès improbable, inconcevable; il a dépassé nos espérances. Parvenus là où nous sommes, accablés par des vérités statistiques, nous devons reconnaître cependant qu’il est vital de pouvoir rejoindre aujourd’hui le pays abandonné, non pas pour y retourner avec armes et bagages, mais pour le maintenir avec l’autre à nos côtés.
Et le voyage qui se prépare du global au local, du général au particulier, de l’essentiel au circonstanciel est devenu une aventure aussi ambitieuse, aussi inimaginable et inconcevable que naguère l’aller simple qui nous a conduits ici.

Jean Prod’hom

11

L’individu était si triste si sombre que son ombre ne supporta plus sa compagnie, le laissa seul lâcha les amarres pour rejoindre la lumière.

Jean Prod’hom