Anniversaire



Il faut qu’aujourd’hui encore je m’y colle puisqu’il ne s’est trouvé dans le zinc du 807 aucune âme assez généreuse pour me rédiger une triplette assez ronflante le jour de mon anniversaire.

On aurait pris conscience à cette occasion de ce qui distingue les essais disgracieux de 807 nains du geste tranchant d’un géant.

Quoi qu’il en soit, avoir disposé sans bourse délier de 807 nègres, dociles et besogneux, qui auront oeuvré 807 jours durant à l’établissement définitif de votre renommée, n’est-ce pas là le signe avant-coureur du génie ? Faut-il les en remercier ? 807 fois ?

Jean Prod’hom
18 juin 2009

Cathédrale



Les lourds blocs de molasse mis à jour par les pelles lors des travaux de creuse du réservoir d’eau de la Montagne du Château, dégagés, transportés puis stockés depuis plus d’une année derrière le hangar sont pour la plupart en poussière. Qu’aurait-il fallu faire pour que la molasse devienne moins friable?
Rien, me répond N. M. de l’Université de Lausanne. Et les blocs ramenés sont bel et bien constitués de cette molasse grise qui a servi à la construction des anciens édifices lausannois, mais ce grès est très friable. Si elle est extraite à une certaine profondeur dans la masse rocheuse, c’est-à-dire entre cinq et dix mètres, cette roche est même d’assez bonne tenue pour la construction, car elle n’a pas été affectée par les ruissellements d’eau chargée de gaz carbonique qui ont tendance à la rendre friable.
Dans les environs de Lausanne, il n’y a pas actuellement de carrières d’où l’on extrait ce type de grès, sain à l’affleurement. Dans les anciennes carrières, par exemple celle de la grande place de parc au Signal de Sauvabelin, l’exploitation s’est arrêtée il y bien longtemps et la roche est devenue friable suite à son exposition aux agents atmosphériques. Mais il suffirait de décaper le rocher sur quelques mètres et on rencontrerait un matériau de construction en bonne santé.
Pourtant, conclut le spécialiste de l’UNIL, le travail de sape de l’érosion ne manquerait pas de s’attaquer aux édifices construits avec cette molasse. C’est le gros problème à Lausanne – alors qu’à Berne ou Fribourg, la molasse montre une bien meilleure tenue.
Il faudra donc que je m’y fasse, le jeu n’en vaut pas la chandelle, je n’élèverai pas de cathédrale dans le Haut-Jorat.

Jean Prod’hom


Dimanche 24 mai 2009



Les deux filles reviennent du bord du lac avec leur mère chargées de cailloux. elles demandent qu’on leur prépare du ciment-colle pour fixer les différentes parties du corps de leurs personnages. Je me souviens alors du 21 octobre 2007, nous étions de l’autre côté de ce même lac, elle et moi aux Petites-Rives, accroupis tout aux long de la journée dans les cailloux…

– Tu les prendrais si je ne les prendrais pas?
On avait décidé d’un commun accord de rester sage et économe. Avec le ciment-colle acheté à Granges-Veveyse, on avait fixé le caillou rond ramassé sur la grève qui prolonge la terrasse de l’Hôtel des Cygnes: notre premier cyclope. Elle n’avait pas voulu me le céder, elle l’avait offert au retour à sa mère.
On avait attaqué aussi, assis cette fois, le morceau de molasse de la Montagne du Château qui traînait depuis quelques jours avec des outils dans le coffre de la voiture. On avait gratté, limé. Louise s’était emparée d’un fragment qui s’était détaché du bloc trop friable, elle avait esquissé une espèce de tête, la tête d’un hydrocéphale, comme cela arrive souvent avec les amateurs que nous sommes.
Louise prêtait des secrets aux pierres, elle pensait avec conviction que des êtres s’y cachaient, les habitaient et qu’il suffisait de les dégager. Cela remontait à la visite que nous avions faite ce même automne du Portail peint de la cathédrale de Lausanne: les statues polychromes, les pierres de l’édifice, la molasse, sa présence dans la région, à deux pas de chez nous, mes explications peut-être, tout cela l’avait conduite à se faire une idée de la sculpture qui m’avait ravi et que j’avais peut-être à mon insu induite. Son frère s’était moqué de cette conception et j’avais essayé sans succès de lui démontrer que sa soeur s’approchait peut-être de ce que cherchent à atteindre les sculpteurs.

Aujourd’hui, près du cognassier en fleurs, à côté du billot de bois qui lui sert d’établi, elle sourit lorsque je lui raconte ce qu’elle disait de l’art de sculpter.

Jean Prod’hom