Les Iris

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Yverdon | 14 heures

Le visage d’un gamin – son oeil paresseux –, celui d’un pêcheur en mer, de sa femme à la maison.
Une chanson, le visage d’un médecin débordé; une trêve, un rêve d’abandon, un sursis qui se prolongerait, une accalmie dans une vraie nuit.
Quelque chose résiste à deux pas des naufrages, frémit comme le ciel dans le miroir de l’étang près de chez moi.

La Poya

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Oron-la-Ville / 15 heures

Une actrice très célèbre, élevée au biberon de l’église catholique romaine, très belle aussi, à qui un journaliste demande ce matin si elle croit en Dieu, répond qu’elle croit en une force supérieure. On comprend à demi-mots qu’elle ne se rend plus à la messe mais qu’elle n’a pas renoncé pour autant à son mystère, qu’elle le vit dans sa passion pour le jardinage, pour les fleurs, les gardénias surtout qui ont accompagné ses Noëls en Australie.
On ne peut lui donner tort, chacun peut en effet, qu’il se lève à l’aube du paillasson de l’école Cadichon ou d’un lit à baldaquin à l’heure de l’apéro, admirer les oeuvres du printemps, les germinations et les floraisons, dans les plis du macadam ou sur son balcon, pour lesquels l’homme n’a en effet qu’un rôle de second plan.
Cette manie pourtant d’en référer à une force unique et de lui octroyer une intensité supérieure m’a toujours semblé étrange. On peut en effet obtenir les mêmes effets en la désintensifiant, mais en lui prêtant la minceur d’une pâte à gâteau et en lui reconnaissant une infinité de points de contact, à l’intensité si faible qu’ils demeurent imperceptibles et silencieux, hormis ces frémissements qui animent les choses et les êtres quels qu’ils soient, et qu’on aurait pour tâche d’écouter sans jamais avoir besoin d’y croire. Non plus une force dans les mains d’un être logeant aux étages supérieurs de la création, mais du grain à moudre en chaque lieu, de celui du pain à celui de ta peau.

Beaulieu

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Lausanne / 20 heures

Les rêves et les cathédrales avaient été depuis toujours de belles distractions, tout à fait indispensables, mais la vie avait fini par en épuiser les sortilèges. Si bien que ce dont elles dépendaient, l’indépassable et confondante pauvreté de l’être semblait, à mesure que l’homme s’en éloignait, se passer toujours davantage de lui, renonçant même à laisser la moindre trace lorsqu’elle s’élevait dans la lumière du jour et de la nuit en se mêlant au vent. Ce frémissement nu, personne n’osait plus ni s’en réjouir ni s’en satisfaire.

Europe

Toutes les prisons du monde sont faites de ces
pierres qui sont tombées sur Jésus-Christ.

Et ce sont les mains pleines d’argent qui font cela toujours,
si bien que la moindre aumône leur est impossible.

Alors continuent de croître prison sur prison
et presque tous déjà nous y sommes emprisonnés

et nous y périssons, comme si Dieu lui-même avait voulu
être en nous seulement sans nous…

Vladimir Holan