Ecouter le premier venu
comme un sage précédé d’aucune réputation,
il en faut du courage.
Jean Prod’hom
Ecouter le premier venu
comme un sage précédé d’aucune réputation,
il en faut du courage.
Jean Prod’hom
L’acharnement des élites à vouloir aligner tous les enfants sur les meilleurs, – au sens où elles l’entendent, c’est-à-dire les leurs –, a permis de reconduire avec l’aide des enseignants leur autorité sur cette institution et de transmettre à leurs propres rejetons – ainsi qu’à ceux de leurs valets – leurs rêves et leurs privilèges.
Quelque chose s’est pourtant grippé depuis quelques décennies ; les élites d’autrefois ont perdu de leur autorité en laissant filer leur pouvoir, les élites économiques ont repris le flambeau et, comme on le dit à tout bout de champ, le niveau baisse.
Pour faire taire cette rengaine, il suffirait d’aligner nos cohortes de gamins sur les plus faibles, c’est-à-dire de les affamer plutôt que de les goinfrer ; le niveau ne cesserait de monter, même chez les bien nés.
Ce renversement est pourtant inconcevable aujourd’hui, utopie c’est sûr, il nécessiterait une solide révolution des mentalités : passer d’une pédagogie du couvercle à une pédagogie de l’assiette. Qui impliquerait de tels bouleversements dans l’organisation de nos institutions qu’il est préférable de ne rien espérer, ou de désespérer aussi longtemps que le couvercle de la marmite n’aura pas étouffé, écrasé, asphyxié, mis en purée notre marmaille, et qu’il n’en sortira plus rien.
Jean Prod’hom
Abandonner l’ombre pour la proie, le nom pour le visage et reconnaître dans les tâtonnements de l’élève, sa lassitude, ses joies, ses tourments, ses égarements, un monde qui se lève. En tenant résolument à distance l’empathie nue, si mauvaise conseillère, qui conduit le maître à parasiter le territoire de son élève en lui faisant croire qu’il lui est un peu redevable de ce qui lui arrive.
Si le maître est indispensable, ce n’est pas en ce sens, pas non plus parce qu’il en saurait plus sur le monde, c’est parce que l’élève a besoin que quelqu’un demeure inaccessible en occupant la place de l’autre ; et pour qu’il parvienne à y rester sans faillir, le maître doit prendre conscience, enfin, qu’il est le principal obstacle à l’apprentissage de son protégé, et le rester aussi longtemps que celui-ci n’a pas jeté son dévolu sur d’autres horizons.
L’école n’est pas, d’abord, une machine à transmettre des connaissances, ni un laboratoire à produire des grimaces, des rires et des pleurs, ou une fabrique à mauvais souvenirs dans laquelle l’enfant apprendrait, comme c’est si souvent le cas, à s’endurcir et à faire bande à part, mais un abri où il s’essaie à devenir un parmi les autres dans un monde en partage. La connaissance suit.
Jean Prod’hom