Bibliothèque

Récréation des Pensionnaires | Dessiné par G. Lory fils, Gravé par J. Hurlimann | Aquatinte, 1832, 196 x 283 mm

Riau Graubon / 16 heures

La maison qu’Abraham Tribolet fit construire sur le terrain qu’il reçut en 1618 en guise de récompense pour services rendus auprès de la principauté de Neuchâtel apparaît, avec les dépendances qui s’ajoutèrent au fil des ans, sur un coteau dont la vue dominait autrefois les marais.
Le domaine connut des vicissitudes et les propriétaires se succédèrent pendant plus d’un siècle et demi; il finit par tomber aux mains de Rodolphe de Watteville, bailli à Saint-Jean; le fils de celui-ci, Frédéric, fut élevé en 1753 au rang d’évêque de l’Eglise des Frères moraves qui saisirent l’occasion de s’y installer, ajoutèrent des corps aux logis existants pour développer leurs activités et accueillir les protestants chassés de France. On raconte qu’on pouvait même monter sur une barque et se laisser glisser sur un canal aménagé jusqu’à la Thièle.
L’Eglise des frères moraves trouve son origine en Bohême au XVe siècle et prêche avec Jean Hus l’égalité et la justice sociale; soutenue par le roi de Bohême, elle est constituée de gens modestes qui se regroupèrent au sein de petites communautés vivant en marge du monde convenu, souvent persécutées par l’église catholique. L’Eglise des Frères moraves et la communauté d’Herrnhut – constituée des derniers témoins du mouvement réformateur initié par Jean Hus – appartient au mouvement piétiste des XVIIe et XVIIIe siècles.
Malgré l’acquisition du domaine, l’Eglise des Frères moraves n’obtient pas le droit de créer une communauté, Montmirail deviendra un pensionnat de jeunes filles au milieu du XVIIIe siècle, dirigé selon les principes des frères moraves: éducation pieuse, instruction par l’exemple, travaux du sexe, tricot, broderie, dentelle; mais aussi lecture et écriture en français et en allemand, arithmétique, musique. Avec un beau succès puisque certains visiteurs rêvent que de tels lieux, avec la paix et le bon ordre qui y règnent, essaiment en pays protestants.
Le pensionnat accueillera des jeunes filles jusqu’en 1988, avant de céder la place à une communauté venue de Bâle, Don Camillo, fondée par six jeunes hommes habités par le désir évangélique de vivre en communauté  et de partager leur argent, leur temps et leurs idées. Montmirail se métamorphose une fois encore, elle se fait maison d’hôtes et accueille hommes, femmes et enfants pour des séminaires, des retraites et des camps.
La réorientation et les dimensions du projet – plus de cent lits sont à disposition – nécessitent de nouveaux travaux et une diversification des offres: une piscine et des terrains de sport sont à disposition en été, chaque jour trois prières liturgiques sont organisées dans la chapelle, les salles de séminaire sont équipées d’un retroprojecteur, d’un flip-chart, d’une installation audio et d’un lecteur DVD, les groupes aident après le dîner et le souper pour mettre la table et faire la vaisselle, les chiens ne sont pas autorisés dans l’enceinte et les bâtiments, un beamer peut également être loué… Depuis 1988, les leaders de cette entreprise ont accueilli toutes sortes de groupes, des groupes d’agriculteurs, de pasteurs, de cavaliers, de jeunes, d’handicapés, mais aussi des coachs, des enfants, des missionnaires, des malvoyants, des seniors, des randonneurs. On peut recourir à leur service dans les domaines de la bible, de la vie communautaire, de la spiritualité, de l’accompagnement des couples, des relations humaines et de confits.
En 2013, le domaine tout proche du Closel Bourbon, avec sa maison datant du XIXe siècle, est offert à la communauté Don Camillo par M. et Mme Knechtli, industriels dans le secteur de la fabrication et l’usinage de composants en matières ultra-dures mais aussi, plus tard, dans celui des opérations de perçage, tournage et grandissage des matériaux durs. Ces bienfaiteurs ont revendu leurs entreprises en 2014 et promeuvent le développement durable, la protection des animaux et celle des droits de l’homme.
La communauté de Don Camillo décide d’accueillir au Closel Bourbon des jeunes qui rencontrent des difficultés lors de la transition de l’école au monde professionnel, et de mettre ses compétences à leur disposition pour faciliter leur intégration dans des domaines spécifiques – cuisine, menuiserie, horticulture, agriculture… –  complétant ainsi les services des assurances d’invalidité et du chômage, et en offrant un soutien aux entreprises qui engagent des êtres qui n’ont pas joui des meilleurs conditions pour se faire une place dans la société.

Sources | Revue neuchâteloise | printemps 2002 | Florence Hippenmeyer, Claire Piguet,]ean-Baptiste Cotelli, Félix Dürr et Maurice Evard

Moille du Perey

Ropraz /17 heures

Termine la lecture de L’Homme sans postérité et reprends un instant les Récits de la Kolyma; conduis ensuite Arthur à l’arrêt de bus, jour blanc, il neigeote et il fait froid.  Je travaille à la bibliothèque autour d’une visite au NMB qui m’a fait passer de l’exposition temporaire présentant les cueillettes du XIXe siècle, à l’époque de Schwab et lors des travaux récents de réaménagement de l’agglomération de Studen, à Robert Walser et son frère en passant par les indiennes de la famille Verdan-Neuhaus, ses appartements, la chambre dans les combles. Je pèle quelques carottes et coupe une pomme en quartiers, préchauffe le four pour Louise qui rentre à midi.

Grand tour avec Oscar qui prend les devants, avec une idée fixe, celle de ne pas passer à côté des restes de pique-nique derrière la Moille Baudin, au refuge de la Moille aux Frênes et au belvédère de la Moille aux Blanc où je le reprends en laisse. C’est dire qu’il me laisse aller tête baissée sans que j’aie besoin de m’occuper trop de lui, il semble savoir que je sais où le retrouver si je le perds de vue. Seule obligation, ne pas modifier l’itinéraire. De mon côté je fais un peu la même chose, mais dans la tête et à avec des allers, des retours et un IPhone dans la mémoire duquel je note une ou deux choses.

Courses à la COOP d’Oron. Je traverse les rayons sans précipitation, avec une équanimité qui me surprend; passage à la boucherie et verveine au café de l’Union où je lis les nouvelles du jour: les budgets plombés par les frais de dentistes; la suppression de la purée de pommes de terre au réfectoire d’une garderie d’Yverdon; la réduction annoncée par Nestlé de son aide à la culture veveysanne en réaction, avancent certains, au refus de son projet immobilier par la ville; les chiffres de la bonne récolte de betteraves dans la Broye vaudoise; les mauvais résultats des équipes de hockey et de foot de Lausanne; les propos de Marc Bonnant sur l’affaire Tarik Ramadan; l’accueil temporaire de 200´000 Salvadoriens risquant l’expulsion des Etats-Unis au Qatar qui recherche une main d’œuvre pour préparer la Coupe du monde de football en 2022, la retraite enfin de Michel Zendali.

Jardin

Riau Graubon / 17 heures

Tour du Häftli au réveil. Je poursuis par le chemin qui longe le canal de Nidau-Büren jusqu’à Brugg. Halte près des jardins-ouvriers avant Port. Le niveau du lac de Bienne est de 428.87 mètres aujourd’hui, contre 430,88 en été 2007, un été qui avait vu, comme en 2005, l’inversion des eaux de la Thièle. Je continue jusqu’au NMB où je parcours les expositions permanentes, avec le regret de ne pas retrouver l’exposition temporaire consacrée à Petinesca visible l’année dernière.

  • L’appartement 1800 de Dora Neuhaus, la donatrice du musée, descendante des Verdan-Neuhaus: salon et salon de musique, salle à manger, cuisine. Mais aussi pièces dans les combles, buanderie et chambres de domestiques.
  • Quelques aspects de Bienne ville horlogère, mais aussi ville de fabrication d’indiennes, celles de l’entreprise Verdan-Neuhaus par exemple fondée en 1747 est active jusqu’en 1842. 
  • – Des aquarelles de Paul-André Robert peintre naturaliste du XXème siècle qui, depuis qu’il a treize ans, peint des larves de libellules et leurs métamorphoses.
  • – Des illustrations de Karl Walser pour les textes de son frère Robert.
  • – Une collection d’objets en lien avec l’histoire du cinéma.
  • – Des objets témoins des anciennes civilisations de la région des Trois-Lacs.

Je rumine, hésite à décaler mon affaire en offrant une place à un nouveau venu, en métamorphosant le je initial en un il, c’est-à-dire en allégeant, de moitié au moins, la charge qui pesait sur ses épaules et en la faisant porter – au moins sa responsabilité – par un je nouveau venu. Dont il est évidemment impossible de se débarrasser; car si en la plupart des livres, écrit Thoreau dans la première page de Walden, il est fait omission du Je, ou première personne, nous oublions ordinairement qu’en somme c’est toujours la première personne qui parle.
Il conviendrait, au cas où l’opération a lieu, d’établir fermement les relations entre l’ancien je et le nouveau, de répartir leurs tâches, de fixer leur rôle et de dessiner ce qui leur est commun. Le il pourrait par exemple avoir fait et dire ce qu’il a fait, le je écouter et écrire ce qu’il a entendu, sachant que chacun peut s’être livré de son côté à différentes activités. Cette distribution aurait la vertu de déconnecter la marche d’avec l’écriture, mais également de faire coexister l’immédiat avec le médiat et faire circuler leur incessants échanges.

– Comment mes histoires pourraient-elles plaire à un monsieur aussi instruit et aussi jeune que vous?
– Peut-être plus que vous ne l’imaginez, et plus en tout cas que celles qu’on peut lire dans les livres.

Adalbert Stifter, L’Homme sans postérité, 1844
traduction Georges-Arthur Goldschmidt, Libretto, 2011