Dépose côte à côte des morceaux de textes au café du Nord à Moudon, entre 8 heures 30 et 11 heures 30, il fait froid, le chauffage toussote. Une femme que j’ai connue lorsque j’habitais Hermenches me raconte sans retenue ses déboires de santé et de coeur, sa déprime, son futur divorce. Ses difficiles conditions de vie l’obligent dès janvier à faire des ménages, elle a 64 ans, excuse son mari avec lequel elle a vécu 43 ans et qui l’a quittée de vilaine manière à Noël passé. J’essaie de me mettre à sa place, j’y parviens mais n’y demeure qu’un instant. L’admire ensuite, elle, sa force, sa gentillesse.
Johanna, qui était à l’âge où l’imagination s’en donne à coeur joie parmi les voleurs et les sorciers, n’aurait pas quitté si facilement ces choses, mais Clarissa ne se laissa plus entraîner, et la conversation revint ainsi à la broderie. Johanna défendit la rose qu’on incriminait, puis continua selon la belle logique qui traite en un instant de la danse, puis de quelque deuil, puis des préparatifs de guerre, puis de petits plats et de comètes. Comme le flot du sang sort du coeur à petits bonds, la légère troupe des pensées s’envole au gré du juvénile bavardage, l’oeil candide pose sur nous son regard confiant, et notre coeur ne peut s’empêcher de l’aimer plus que toute la sagesse des sages.