Escargotière

Riau Graubon / 10 heures

Arthur Lubow rend visite à Sebald en août 2001 dans l’intention de faire un portrait de l’écrivain pour le New York Times. Ils évoquent autour d’un thé la manière dont l’auteur compose ses livres. Celui-ci confie à son interlocuteur, une fois encore, son besoin «de relier des choses qui n’ont apparemment rien à voir les unes avec les autres». Il travaille à cette époque à un ouvrage autour de sa famille et de son histoire. Mais les traces sont rares et floues si bien qu’il ne peut s’appuyer que sur de rares témoignages, même les dates et les lieux de naissance de ses ancêtres ne sont pas fiables. Cet ouvrage ne verra jamais le jour, Sebald meurt en décembre. Arthur Lubow commente:

Tel l’archéologue qui reconstruit une poterie à partir de deux ou trois fragments, il travaillait d’une façon qu’il jugeait « extrêmement délicate et aléatoire».

Si l’écrivain peut toujours, à chaque page, se retrancher derrière la rareté des témoignages, ce recours qui devient vite fastidieux amène Sebald à faire des emprunts, qui lui permettent de s’approcher autant que faire se peut de la vérité. L’écrivain confesse alors que, ce dont il rêve ce n’est pas tellement d’une réponse, ce dont il rêve c’est d’être en mesure de dire: «Tout cela est vraiment très étrange.»

C’est à toutes ces choses éloignées les unes des autres, rares dans le temps et l’espace, toutes échelles confondues, que je songe ce matin en marchant avec Oscar pour la centième fois sur le chemin des Censières, alors que les impatientes sont en fleurs et sur le point de projeter à tout vent leurs graines, à la découverte de l’une d’elle, sur les rives du Tage où je suis retourné la semaine dernière, à une belle pierre jaune au liséré noir. Elle a rejoint dans une casse d’imprimerie deux pierres de même couleur, trouvées dans la Bressonne à deux pas de Moudon, l’une en 1989 et l’autre en 1993.
Toutes trois composent la séquence d’une interminable histoire, étrange, délicate et aléatoire, dont aucun archéologue ne percera le mystère et qui me confond.

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