Le parc de l’Elfenau

Bienne / 15 heures

L’hôtel de Macolin est bien visible depuis le Florida ; je vais rôder après avoir déjeuné au pied du Jensberg et dans Studen que traversent l’autoroude et la ligne de train Bienne-Berne. J’aperçois le nom de Petinesca à la sortie du bourg, j’imagine qu’on y expose des fibules de l’âge du bronze et des restes de la vaisselle romaine ; je fais demi-tour, c’est en réalité une pizzeria qui propose des cordons bleus et des fondues chinoises à volonté.
A l’extrémité de la clairière serrée entre deux bras du Häftli un cabanon pour les membres du club de Hornuss de Büren, plus loin une tour d’observation qui plonge sur la réserve, grandes eaux immobiles et grises sur lesquelles le ciel a mis du bleu, entourées de roseaux, d’aigrettes et de canards.
Café à Brügg. Je longe le canal Nidau-Büren – jardins ouvriers, industries, friches, villas – jusqu’à l’embouchure de l’ancienne Thielle que je suis jusqu’au centre de Nidau ; des employés de commune réalisent de gros travaux de stabilisation des berges rongées par l’eau.
Il fait froid, je traverse le joli parc de l’Elfenau avant de rejoindre la gare du funiculaire qui me mène à Macolin d’où l’on voit bien ce à quoi obéit le paysage : les Trois-Lacs, le Jensberg, le Schalterain, le Vully ; la vallée de l’Ancienne Aar de Büren à Meienried, Lyss et Aarberg ; l’entaille d’Hagneck. Le funiculaire et le train me ramènent à Brügg, la Nissan à Corcelles.

Seeteufel

Studen / 16 heures

Dans le petit lac du Florida, une ribambelle de canards d’espèces différentes, des flamands roses sur la rive opposée, le jour baisse. Les tractations qui occupent les premiers m’échappent : ils se poursuivent, tendent des pièges, disparaissent, se trahissent, plongent, réapparaissent, pincent leur voisin, filent, reviennent avec d’autres. Leur nombre diminue pourtant de ce côté-ci du lac, je les imagine tirer les rideaux à l’autre bout, où ils semblent avoir aménagé un dortoir, et glisser leur tête sous leurs plumes, si bien que lorsque l’obscurité est faite le lac est désert.
Pas longtemps, leurs yeux comme les miens s’habituent, les lumières provenant du restaurant éclairent les alentours d’une nuit de pleine lune, les voilà tous de retour sous les baies vitrées, une centaine glissant comme des ombres, ou taches blanches immobiles sur le lac immobile.

Dans le restaurant du Florida, du monde installé autour d’un jardin de palmiers et de plantes exotiques, musique d’ambiance. L’équipe offre à Madame et Monsieur une table avec nappage blanc décorée avec amour et illuminée aux bougies, et trois roses rouges qu’ils pourront emporter ; une coupe de champagne et des petits salés en attendant les plats qu’ils auront choisis sur une carte des mets en forme de baiser, servis sur une assiette en forme de cœur.
J’ai droit de mon côté à une serviette jaune canari et à un set de table sur lequel est représentée une petite île circulaire, 30 mètres de rayon peut-être, qui se dresse à une dizaine de mètres au-dessus de l’océan, couverte de palmiers au pied desquels rampent des arbustes quinteux et rouillent de grosses pierres ; le ciel est bleu, on aperçoit à l’horizon quelques lambeaux de nuages roses, difficile de savoir s’il s’agit du matin ou du soir, je pencherais pour le matin. La photographie est prise d’une plage dont on ne voit qu’une étroite bande de sable rose ; l’eau n’est guère profonde, on devrait pouvoir passer à pied de l’un à l’autre, si n’était entre eux un double texte, en allemand et en français, dont je transcris le second :
Le produit Florida Öko Power-Food est conçu pour les fleurs et le potager. De très haute qualité, il est issu des restes de nourriture de notre restaurant. D’un dispositif simple et de peu de frais en main d’œuvre, il est naturel, il peut être utilisé comme engrais organique. En l’achetant vous contribuez à la protection de la nature et redonnez de précieuses substances nutritives, vitamines, minéraux et oligo-éléments à la terre. Dans un emballage cadeau pratique.

Bibliothèque

Riau Graubon / 19 heures

La villa de Boscéaz s’étend sur une terrasse au centre d’un domaine de 400 mètres de côté, limité par un mur le long duquel s’élèvent des bâtiments : habitations, hangars, greniers, écuries, ateliers. Au centre de ce qui ressemble à un palais, une cour dallée entourée d’un portique à colonnade avec au milieu un jardin et une fontaine.
Suite à son abandon, les vestiges de la villa de Boscéaz ont servi de réserve de pierres, sont devenus la hantise des agriculteurs qui endommagent le soc de leur charrue ; en automne 1845, lorsque Albert Jahn dégage lors de fouilles privées deux mosaïques, l’une d’elles est attaquée à coups de pioches les mois suivants, celle du labyrinthe remblayée est oubliée ; on la redécouvre en 1930 en mauvais état, elle est aujourd’hui abritée dans un pavillon.
Des lignes noires parallèles et concentriques dessinent un labyrinthe entouré d’une muraille surmontée de créneaux stylisés, coupée par quatre portes et appuyée sur quatre tours d’angle. Le motif du labyrinthe est curieusement traité puisque nul n’a besoin de fil pour quitter l’antre du minotaure, il suffit de suivre le chemin, pour autant qu’il y ait une sortie.

 

Ch. Bétrix a réalisé en 1845 une lithographie d’ensemble du labyrinthe de Boscéaz. Les auteurs du petit guide consacré à la villa d’Orbe remarquent que, si un point de départ figure bel et bien sur la copie, on n’aperçoit curieusement aucune sortie ; le graveur l’a peut-être omise, mais elle aurait pu exister dans la partie détruite.
Je parie sans prendre de gros risques qu’elle existait bel et bien, je parie également que le point de départ ne se présentait pas comme Bétrix l’a représenté – l’original d’ailleurs le démontre. Il a suffit au mosaïste d’ajouter un rang à l’un des quartiers, de réduire ipso facto la longueur des parties, de ménager une entrée et une sortie. Merci Arthur !

Sources | Laurent Flutsch et compagnie,
La villa gallo-romaine d’Orbe-Boscéaz et ses mosaïques, Pro Urba, 1997