Studen / 16 heures
Dans le petit lac du Florida, une ribambelle de canards d’espèces différentes, des flamands roses sur la rive opposée, le jour baisse. Les tractations qui occupent les premiers m’échappent: ils se poursuivent, tendent des pièges, disparaissent, se trahissent, plongent, réapparaissent, pincent leur voisin, filent, reviennent avec d’autres. Leur nombre diminue pourtant de ce côté-ci du lac, je les imagine tirer les rideaux à l’autre bout, où ils semblent avoir aménagé un dortoir, et glisser leur tête sous leurs plumes, si bien que lorsque l’obscurité est faite le lac est désert.
Pas longtemps, leurs yeux comme les miens s’habituent, les lumières provenant du restaurant éclairent les alentours d’une nuit de pleine lune, les voilà tous de retour sous les baies vitrées, une centaine glissant comme des ombres, ou taches blanches immobiles sur le lac immobile.
Dans le restaurant du Florida, du monde installé autour d’un jardin de palmiers et de plantes exotiques, musique d’ambiance. L’équipe offre à Madame et Monsieur une table avec nappage blanc décorée avec amour et illuminée aux bougies, et trois roses rouges qu’ils pourront emporter; une coupe de champagne et des petits salés en attendant les plats qu’ils auront choisis sur une carte des mets en forme de baiser, servis sur une assiette en forme de cœur.
J’ai droit de mon côté à une serviette jaune canari et à un set de table sur lequel est représentée une petite île circulaire, 30 mètres de rayon peut-être, qui se dresse à une dizaine de mètres au-dessus de l’océan, couverte de palmiers au pied desquels rampent des arbustes quinteux et rouillent de grosses pierres; le ciel est bleu, on aperçoit à l’horizon quelques lambeaux de nuages roses, difficile de savoir s’il s’agit du matin ou du soir, je pencherais pour le matin. La photographie est prise d’une plage dont on ne voit qu’une étroite bande de sable rose; l’eau n’est guère profonde, on devrait pouvoir passer à pied de l’un à l’autre, si n’était entre eux un double texte, en allemand et en français, dont je transcris le second:
Le produit Florida Öko Power-Food est conçu pour les fleurs et le potager. De très haute qualité, il est issu des restes de nourriture de notre restaurant. D’un dispositif simple et de peu de frais en main d’œuvre, il est naturel, il peut être utilisé comme engrais organique. En l’achetant vous contribuez à la protection de la nature et redonnez de précieuses substances nutritives, vitamines, minéraux et oligo-éléments à la terre. Dans un emballage cadeau pratique.