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Riau Graubon / 19 heures

Tombe ce matin sur deux articles de la Feuille d’Avis de Lausanne et de La Petite Revue, des mardi 31 octobre et vendredi 3 novembre 1944.
J’y apprends que, dans la nuit du lundi au mardi, la ferme de mon grand-père Louis Rossier a été la proie des flammes, à 01 heure 40, à Epalinges, près de la halte du tram de Marin. La grange et l’écurie y ont passé. Fort heureusement les neuf vaches ont été sauvées, mais les 18000 kilos de paille et de foin sont détruits.
La police de sûreté et la gendarmerie ont fait leur job et ont arrêté dans la journée René Regamey ; celui-ci avoue être à l’origine du feu. Il raconte avoir passé la soirée en compagnie de quelques amis avec lesquels il a fait la fête avant de rentrer chez lui en état d’ivresse. Il n’y demeure pas longtemps puisqu’il en ressort, dit-il, un quart d’heure plus tard ; il  se rend chez mon grand-père, glisse à travers le treillis de protection d’une des fenêtres du rural laissée ouverte une poignée de foin auquel il a bouté le feu à l’aide de son cigare. Il rentre ensuite chez lui.
Pas longtemps ! Son frère l’avertit en effet d’un sinistre. René Regamey se lève, enfile son uniforme de pompier pour accomplir son devoir et participe au sauvetage des neuf vaches piégées dans l’étable. L’homme ne s’arrête pas là, il fait une halte en rentrant, tout près, dans une villa que fait construire mon grand-père ; il y commet des dégâts importants.
L’enquête n’est pas terminée puisque René est également soupçonné de l’incendie de la ferme de Balègue qui a brûlé le dimanche précédent. La police s’interroge également sur le rôle du frère dans cette affaire. Il faut savoir pour terminer que leur père Charles Regamey exerce le métier de sellier dans la ferme qui jouxte celle de mon grand-père.
J’ai beau chercher, les deux gazettes ne disent rien les jours suivants des résultats de l’enquête.

Le Motty (Célestin Freinet LXXI)

Ecublens / 14 heures

La même fausse manoeuvre avec des enfants ne prouve jamais, par elle-même, sa propre faillite. Il est toujours facile de prétexter leur inintelligence, leur distraction, leur manque de mémoire, de goût, d’application au travail, l’envoûtement du jeu. Alors, et le plus sérieusement du monde, les pédagogues scrutent ces vices enfantins qui ne sont que des actions indispensables à vos erreurs ; ils proposent des remèdes qui font illusion un moment pour laisser éclater bientôt leur totale inefficacité. Il aurait suffi du magicien pour libérer, avant qu’il soit trop tard, le grand élan propulseur.

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
L’enfant veut travailler comme il veut se nourrir

Chemin d’en haut (Célestin Freinet LXX)

Corcelles-le-Jorat / 12 heures

– Nous avons cru qu’il fallait partir de la connaissance et de la documentation pour accéder à l’expérimentation, pour en comprendre les lois et les enseignements, pour aborder enfin le domaine mystérieux de la création. Vous prétendez partir de l’expérimentation et de la création pour arriver à la connaissance, qui appelle la recherche et la connaissance… Ce serait sans doute plus logique. Reste à voir s’il vous sera pratiquement possible de faire fonctionner dans ce sens l’organisme.
– C’est en effet ce retournement qui est tout, parce que lui seul permet au sang nouveau, né du travail, de donner dynamisme et vie à des disciplines qui, sans lui, ne sont que tâches imposées, et donc toujours plus ou moins rébarbatives.

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
L’enfant