Ils étaient encore il n’y a pas si longtemps – vingt, trente ans? – sur les bancs d’école, je les vois encore distinctement, ceux du premier rang, du centre, du fond ou des issues,… Ils ont si peu quitté la classe que j’ai proposé à ceux d’entre eux qui regrettaient de ne pas pouvoir aider leurs enfants dans le domaine de l’analyse grammaticale pratiquée aujourd’hui dans nos régions – ils n’ont connu ni Chomsky ni Benveniste – de me rejoindre un prochain samedi matin dans la salle 11 pour un recyclage. Plusieurs se sont annoncés, ils n’ont pas quitté l’école, le rendez-vous est pris, j’organiserai donc sous peu un nouveau raout grammatical.
Ce qui m’a frappé chez toutes ces mères et tous ces pères – près de cinquante – rencontrés hier soir, c’est la prédominance d’un mélange, celui du sérieux, de l’attention et de la dérision, c’est-à-dire l’esprit de légèreté! Ils n’ont pas quitté définitivement l’enfance, leur oeil, à peine moqueur, s’allume à tout instant comme celui de leurs enfants. Est-ce à dire qu’ils sont les mêmes? Non!, ils ont en plus ce dont manque l’enfant et que l’école contribue à lui apporter, l’art de la bonne distance.
Au centre de la fête, donc les absents qui ont, j’en suis tout à fait certain, trouver une raison pour de ne pas regretter l’absence de leurs parents.
J’aurais voulu qu’ils puissent un instant écouter les propos – sérieux, attentifs et dérisoires – qui les ont entourés tout au long de la soirée et puiser dans la confiance lucide de ceux qui les accompagnent, l’équanimité qui transforme les apprentissages en théâtres, drames et mystères. Voeu de Pygmalion! ils n’ont pas assisté à la scène et tant mieux. Peut-être l’ont-ils imaginée et cela suffit bien; car si nous, parents et enseignants, sommes avec eux des locataires du réel, pour eux des représentants du symbolique, nous sommes aussi loin d’eux les hôtes de leur imaginaire.
Nous avons hier soir élèves, parents et enseignants passé notre examen.
Jean Prod’hom