Le solstice passe et les jours s’allongent. Je songe à l’amie âgée d’un musicien valaisan avec lequel je travaillais à la rédaction d’un ouvrage sur le val d’Anniviers. Je les rejoignais régulièrement dans un appartement sombre de Bellevaux. La vieille n’éclairait pas son appartement, ni en été ni en hiver. Elle m’expliqua qu’une dame distinguée dont elle avait lavé autrefois les draps sales lui avait confié qu’elle était devenue riche – et avait joui d’un coquet succès mondain – au terme de l’accumulation obstinée de menues économies.
Lorsque je lui conseillai tout bonnement de résilier l’abonnement dont elle était la titulaire pour accélérer son accès aux feux de la rampe, elle me regarda les yeux grand ouverts, secouée par tant d’incompréhension. La vieille me fit comprendre alors que cette résiliation l’aurait à tout jamais empêchée de faire ses économies quotidiennes.
L’une a laissé ses ancêtres sur les bords du détroit de Messine, l’autre sur les rives de la Manche, elles m’ont souri vendredi après-midi comme si je leur avais offert une rose.