Travaux de titans

Derrière le monticule
en arrière d’une large baie
que souligne
un arc d’argent
jalonné de zones d’ombres
les restes
d’une tentative plus récente

ultime défi
si l’on en croit les légendes
des premiers habitants de l’île
qui entreprirent
l’impossible tâche
de séparer
le liquide du solide

ils creusèrent
des canaux
dans la vase
endiguèrent
les bras de mer
conçurent des levées
des quais

des complexes de galets
des ponts et des chaussées
des lacs
qu’ils parquèrent
avec les eaux dormantes de l’intérieur
à la terre ils arrachèrent
la terre

l’eau à l’eau
la boue profonde aux bancs de sable
sans succès
les larmes ne coulaient plus
sur les visages
mais demeuraient avec les glaires
au fond de leur gorge

ô solitude
mêlée de grandeur
ô peuple malheureux
dévoré par de folles ambitions
ô peuple insatisfait
dévasté par l’échec
et le ressentiment

aucun chemin
ne resplendit aujourd’hui
le miracle de l’opiniâtreté
n’a pas pas eu lieu
le souvenir dans les mémoires
seulement
d’un insatiable orgueil

on le voit
on ne réforme facilement
ni les choses
ni les usages
si bien qu’on accepta sur l’île
mais à contre coeur
mélanges et marécages

et les hommes se remirent à pleurer

Jean Prod’hom