Tempête à Treyvaux

Dieu, ce beau mirage, écrit Michel Bavaud dans un ouvrage que je n’ai pas lu, récemment paru aux Editions de l’Aire. Le vieil homme précise sur les ondes qu’il l’a aimé et qu’il a servi son église de tout son coeur. Il proclame aussi dans les quotidiens locaux que Dieu n’existe pas. Ça me dit naturellement quelque chose, mais quoi exactement ?
Son intelligence préoccupée n’en pouvait plus de faire le grand écart avec Rome et ses sacrements, trop c’est trop, Michel Bavaud a décidé de rapatrier sa foi attachée à une figure de papier. La confiance qu’il avait placée crédule en Dieu, il la place désormais en l’homme seul. Difficile pourtant de faire sans la figure à laquelle l’homme est resté fidèle tant d’années, alors il s’indigne, se met en colère, exprime une rage qu’il a tôt fait de regretter, oh la solitude. D’avoir brisé la sainte alliance sans être un militant du grand soir n’est pas sans dangers : Michel Bavaud est rejeté tout autant par les athées – pourquoi tant de temps ? – que par ses compagnons de route qui le condamnent aux enfers.
Dieu, ce beau mirage est la confession d’un laïque engagé au service de Rome, l’histoire de la conversion d’un déçu de Vatican II, modérateur du synode diocésain chargé de mettre en oeuvre les décisions du Concile : rien, aucune avancée, un recul plutôt. Cessons donc de prier, agissons et mettons notre foi en l’homme : liberté, égalité, fraternité en lieu et place des trois vertus théologales. La raison a définitivement gagné la partie. La Bible ne tient pas debout. Vive la République !

Si les conversions (comme les dépressions) sont de petites tempêtes individuelles qui inquiètent toujours un peu les proches – comment nos amis se remetteront-ils de la négation et nieront-ils cette négation ? – ce sont elles également qui conduisent les hommes à reconsidérer les vertus de l’agnosticisme – seul mot qui supporte les affixes de la folie –, à suspendre leurs certitudes, à mettre entre parenthèse les dichotomies pour guetter ce qui s’établit loin des principes, dans la traîne qui glisse sur les choses comme la neige de la mariée, là où persiste l’hérésie, mystère auquel il est inutile de demander grâce. Ne pas choisir, ou choisir à peine, en guettant ce qui est sans le saisir autrement qu’avec les noms qui passent et qui vous emmènent parfois à la verticale du paysage.

Jean Prod’hom