Dans le bus

Dans le bus qui me conduit du Mont – où j’ai laissé la Yaris – à la gare, un homme revenu de tout, des vagues immobiles sur son front plissé, un visage fait de plaques se chevauchant ici, se repoussant là, me renvoie à la tristesse des zoos, la solitude des pachydermes. Il descend du bus avec une grosse serviette noire, lourde de papiers qui le tiennent en équilibre, ils font corps tous les deux, c’est un homme honnête bâti par le travail.
Quelques degrés sous zéro, le ciel indécis. Je croise quelques anciens élèves dans le bus, ils vont au gymnase, ça va au pas, les gestes mesurés, l’enthousiasme en berne.
Des clients fument adossés à la grande baie vitrée du Buffet de la gare, c’est la loi. Assis dedans j’apprends dans le 20 Minutes que le Traquet moteux fait plus de 30’000 mille kilomètres chaque année. Ne sais pas bien pourquoi, mais cette nouvelle me réconcilie avec la ville. Les fumeurs rentrent refroidis, avoir cessé de fumer est peut-être la seule chose que j’aie faite en connaissance de cause et que je conduirai peut-être jusqu’au bout, un acte libre.
A l’angle formé par l’avenue Ruchonnet et l’avenue William-Fraisse, le soleil éclaire soudain la proue d’un vaisseau immense qui fend l’extrémité de la Place de la Gare. On est tous là, les élèves silencieux mais les formalités m’auront volé le voyage en train.
Coup de solel sur la Guisanplatz à Berne, les travaux de notre session parlementaire peuvent commencer. Mais je sens que la fatigue me gagne déjà. Pas le temps de prendre un peu de temps dans la vieille ville. On passe l’après-midi dans une caserne pour l’élection de la présidente et de la vice-présidente du Conseil, la fraction du Mont rate de peu la présidence, mais emporte de haute lutte la vice-présidence.
Sandra m’a laissé un message, la 807 est en panne, je l’appelle, elle a pu récupérer la Yaris au Mont. Pour le reste tout va bien. Des travaux ce soir encore avec les présidents des fractions et les présidents des commissions. L’impression pourtant de n’avoir rien pu entrependre librement me pèse avant de me coucher, sous terre, dans l’un des innombrables dormitoirs du réduit national.

Jean