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Jean-Claude Hesselbarth

Il est un peu plus d’une heure, on quitte Colonzelle. Sandra tient le volant, je prends le livre que Jil Silberstein a consacré en 1990 à Jean-Claude Hesselbarth (Âge d’Homme, 2011). Série de quatre entretiens qui se lisent d’une traite et font un peu de lumière sur cet homme qui a passé sa vie à la faire naître au coeur du noir d’encre de ses dessins et dans la danse liquide de ses peintures. Ces entretiens font entendre aussi une voix truculente, celle d’un bonhomme qui semble avoir été taillé à la hache, fait d’un seul tenant, habité par une insouciance expansive. Méfions-nous pourtant des apparences, l’homme n’est pas seul et des voix d’autrefois parlent en lui :
Je jette des gouttes de couleur très liquides qui vont se délayer et se crocher, si je peux dire, dans la couleur qui n’en est pas une. Si bien qu’il se fait, presque tout seul, un travail de la peinture dans la peinture.
Comme tous les modestes, Hesselbarth veut nous laisser croire que ses peintures sont le fruit des circonstances et du hasard. Sauf que parfois il dit tout haut son ambition : Bon, c’est quand même voulu parce que c’est moi qui gicle et que je ne gicle pas n’importe où.  Avant de faire marche arrière : Quoique… Parfois je gicle bien « n’importe où », comme on dit, mais on s’aperçoit que quand on gicle « n’importe où », on ne gicle en fait pas n’importe où. 
Le sage n’a rien à cacher, il dit ses secrets qui n’en sont pas, passe du noir à la couleur, du pavatex au papier à la cuve, griffe, gratte, gicle et danse.

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Villars-Bramard

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Cerniaz

Il y a encore dans ce livre une belle promenade sur la rive droite de la Broye, au cours de laquelle se déroule le quatrième et dernier entretien. Du côté de Cerniaz, de Villars-Bramard, et de leurs cimetières dont j’ai parlé il y a quelques semaines. Voici ce qu’en dit Jean-Claude Hesselbarth à Jil Silberstein :

C’est Villars-Bramard ! Cette entrée du village est très belle… aussi parce qu’on arrive directement de la campagne dans le village… Les beaux villages, c’est fini. Maintenant on aura de plus en plus des villages très composites, entre de l’ancien plus ou moins bien restauré et du moderne qui, en principe jure pratiquement tout le temps. Et puis alors, ce qu’il y a d’extraordinaire dans ce village, c’est qu’ils ont installé le cimetière à l’endroit le plus magnifique de la commune. C’est-à-dire que les morts, vraiment, ont droit à la vue la plus belle. Les vivants, eux, eh bien ils sont un peu plus dans une combe ; moins bien placés que les morts. Je trouve ça assez extraordinaire. Et c’est assez fréquent dans les villages vaudois que le cimetière soit à la meilleure place de la topographie générale du coin.

Tiens ! Voilà de nouveau un cimetière bien situé… Celui qu’on a vu tout à l’heure, en fait, c’est celui de Cergnat (sic). Et puis ça c’est celui de Villars-Bramart (sic)… Alors là, par exemple, c’est extraordinaire, parce qu’ils l’ont mis vraiment très loin de l’église. Et pour cause : il n’y a pas d’église à Villars-Bramart (sic)… Et puis, ils l’on mis vraiment très loin du village, dans un endroit tout à fait magnifique où on voit très bien la campagne. Alors je trouve ça assez touchant… Et puis en plus, ça signifie que chaque fois qu’on va enterrer quelqu’un, il faut marcher deux kilomètres pour arriver au cimetière. Et ça se fait généralement à pied, encore, dans les villages. En tout cas, ça se faisait autrefois à pied – jamais en voiture. Donc ça veut dire qu’on accompagne le mort. On paie de sa personne sur deux kilomètres…

On arrive en fin d’après-midi au Riau, la fine couche de neige a résisté. Je coupe des pommes et fais des pâtes. On regarde avec les enfants une émission consacrée à la foule des amateurs inconscients qui partent à la conquête du Mont-Blanc en ballerines.

Jean Prod’hom