Ce n'est pas l'autre en réalité qui menace

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On s’avise soudain que ce n’est pas l’autre, en réalité, qui menace, induit la peur, la vraie et la violence ; c’est au contraire son absence et la crainte d’en manquer.

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Alors on bricole, on fait de l’autre avec du même, à tour de bras ; on en déterre, on en rapatrie, on en caricature, on en invente ; ça jase et ils se multiplient : des nus, des costumés, des monstrueux, des innocents, des grimés, des angéliques, des colorés, des coupables, des masqués. Chacun s’agite, rien n’y fait, l’autre, inconsistant, se dérobe.
Si bien qu’à défaut d’en rencontrer un vrai, un autre vrai, un qui ferait du bien, qui dessinerait un continent, promettrait de l’inconnu, chacun prend le parti d’occuper la place laissée vide, sans se méfier qu’il étend ainsi la tyrannie de l’un. On a beau accuser, rire, vitupérer, regretter, se moquer, prêcher, personne ne viendra nous délivrer.
Le seul autre qui nous reste, intact, n’est peut-être que celui dont on héberge la voix, qui nous recommande de ne pas jouer aux sorciers, de ne rien ajouter à ce qui est, de ne pas souffler sur les braises ni attiser le feu, de nous détourner du tohu-bohu, du côté de ce que nous imaginons à peine, de cet autre – fleur, bête ou pierre – qui ne promet rien, mais campe au-delà des murs invisibles de nos territoires.

Jean Prod’hom