Derrière le lac

Un homme assis tient
un petit bassin dans sa main droite.
Un chirurgien lui incise le bras gauche.
Le sang qui coule dans les veines
jaillit dans le bassin.
Puis on panse le bras
et le saignement s’arrête.
Une incision peut parfois faire du bien.
La sève irrigue les plantes.
Les plantes croissent, mais ne se déplacent
pas et ne s’essoufflent pas, tandis que
l’homme a constamment besoin de respirer.
Le sang passe par le coeur
qui bat à chaque instant.
Lorsque le coeur s’arrête pour toujours,
l’homme cesse de vivre.

Karl Philipp Moritz (1790)
Traduction Violette Kugler er Marie-Cécile Baland (2003)

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Yverdon | 15 heures

Dans l’ordre des faits et dans celui des raisons, dans l’ordre des discours, des récits, des romans, dans les encyclopédies, les curriculm réel ou apparent, les programmes, les prévisions et les bilans, les statistiques, les refrains et les mea-culpa coexistent à la fois un rêve et un cauchemar.
Rêve que ces ordres vivent longtemps encore, et croissent, et tiennent leurs promesses. Cauchemar que tout ne soit qu’entrelacement de langages soigneusement orchestré, qu’une seule génération, s’il arrivait qu’un jour elle manque à ses devoirs, oblige l’homme à tout recommencer.
Il y a pourtant quelque chose qui ne plie pas, se dérobe même – sans s’abandonner au désordre –, une chose qui résiste aux abécédaires trop sérieux et à laquelle les noms et les verbes, lorsqu’ils tombent comme la pluie, ouvrent la porte.