Lausanne / 14 heures
C’est un chemin bétonné en haut d’une terre d’un seul tenant qui déroule son vert, tendre encore, en pente douce jusqu’à la rivière. La forêt s’accroche sur l’autre rive et remonte d’un trait, avant de baisser la tête et de la glisser sous le ciel bleu, rien ne l’arrête. On imagine plus loin d’autres terres, d’autres déserts.
Plus trace de neige dans le pré, mais dans les fonds les dépouilles laissées il y a quelques semaines par les bûcherons. Ruines, chantiers, c’est là qu’on habite, ni tout à fait hier, pas encore demain.
La vieille avance à petits pas lents, une noix dans le creux de la main, tête baissée, les yeux fixés sur le chemin; elle ralentit de temps en temps, lève la tête, la tourne là où la forêt s’allonge entre ciel et terre, puis revient parmi nous. L’un ne va pas sans l’autre, ce qui nous reste se confond avec ce que l’on quitte.
Un sentier prolonge le chemin à l’entrée du bois; dedans ombres et lumière brodent des dentelles auxquelles s’accrochent de vieux chardons. Les oiseaux tiennent la baraque, les plus curieux campent aux fourches des feuillus, les craintifs se cachent derrière des rideaux d’épines. La rosée goutte le long des rameaux, perles de verre suspendues aux bourgeons. Un rouge-gorge, un peu téméraire, vient aux nouvelles, la vieille est assise sur l’un des bancs du refuge, là où le soleil a pris ses quartiers. La terre fume.