Savona / 9 heures
Il n’est pas certain que les courts voyages d’agrément, en avion, nous procurent les bénéfices attendus; ils nous obligent en effet à nous mettre au diapason du pays d’accueil dans la précipitation, à choisir à la va-vite les repères d’une représentation sans laquelle non seulement nous ne retrouverions pas l’endroit où nous avons déposé notre bagage mais perdrions un peu de la fragile raison mise à notre disposition.
Ces voyages d’une semaine ont en outre la faiblesse d’instiller le regret d’avoir été interrompus trop tôt, aussi bien dans la découverte de ce dont nous avions voulu nous approcher que dans l’oubli de ce dont nous avions souhaité nous couper.
Nous perdons ainsi sur les deux tableaux, incapables de nous réjouir à l’aller de ce que nous partageons avec l’étranger et, au retour, de restituer au pays familier un peu de son étrangeté. M’en aviser n’aura pas été pour rien dans le tableau sans cadre que je ramène de Palerme; y coexistent les silhouettes de Sandra, Arthur, Louise et Lili, celles du restaurateur de Monreale et des gamines de Santa Maria Vergine, les oranges du cloître de San Giovanni degli Eremiti, quelques tessons, le bus 731, la rue la nuit, les hirondelles de Roccapalumba, le sainfoin, la mer, l’Afrique.