Riau Graubon / 17 heures
Nous sommes tous nés à mi-pente, à mi-chemin, dans un monde aménagé par ceux qui nous ont précédés, qu’il nous faudra quitter un jour et dont nous peinons à tracer les lignes de fuite, si bien que ceux qui nous ont faits se sont arrangés pour que nous naissions sur un replat, nous évitant ainsi de rouler à notre delta aussitôt après avoir vu le jour.
Lorsqu’enfant nous naissons, nous n’apercevons que la nuit, nous ignorons tout du champ de forces qui nous entourent et nous assaillent; nous naissons nus, sans repère, désorientés. Il a fallu que nous trouvions au plus vite une main courante à quoi nous accrocher pour envisager et concilier ce double mouvement qui se présente et que tout oppose: consentir à la pente naturelle qui nous emporte ensemble vers le bas et remonter au lieu même où s’est nouée l’énigme, aux sources de ce que nous sommes devenus.
C’est rétrospectivement que j’ai pris la mesure du rôle qu’ont joué certains objets familiers dans ma représentation du monde; ils m’ont permis de m’orienter en leur faisant porter, comme dans un premier langage, les sentiments qui m’affectaient alors. Parmi eux, je me souviens du métro qu’on appelait la Ficelle et qui reliait, au sud, le centre-ville avec le bleu du lac, et le tram qui permettait de rejoindre, au nord, le vert de l’arrière-pays vaudois. Je suis né à Lausanne, sur un replat du Valentin, à mi-pente, entre lac et Jorat.