Ropraz / 11 heures
Durant l’hiver 1870-1871, nous apprend Henri Anselmier, le Gouvernement vaudois s’avise que les vagabonds, les mendiants et les personnes coupables d’abandon de famille ne rencontrent pas au cours de leur détention dans les prisons de district une répression qui serve à la fois de punition et de moyen de relèvement, mais plutôt un far niente qui leur va et dans lequel ils finissent par fondre les dernières parcelles d’activités et d’énergie morale qu’ils peuvent encore posséder, si bien qu’ils confondent la prison, lorsqu’ils en sortent, avec un caravansérail où ils viendront se reposer de nouveau si leurs pérégrinations ne sont pas heureuses. Certains habitués en sont à leur 35e récidive.
La solution passe aux yeux du Conseil d’Etat vaudois par la création d’établissements de caractère agricole, dans lesquels les condamnés seraient internés et astreints au travail dont les vertus sont susceptibles de leur donner les habitudes qu’ils ont perdues, ou dont ils sont depuis toujours dépourvus.
Le Grand Conseil ne lambine pas et crée une première colonie agricole à Payerne en 1872, en faisant l’acquisition, aux Seytorées, au Grand et au Petit Marais de terres que personne ne veut, pour y fonder un Établissement de travail et de correction, des terres ingrates sur la rive droite de la Petite Glâne que les détenus auront pour tâche d’amender en s’amendant eux-mêmes, constituant ainsi une communauté autonome, analogue, dans ses marges, à la société des hommes libres.
(Sources : Henri Anselmier, Les Prisons vaudoises 1872-1942)