Une des membres de l’équipe de direction de l’entreprise de sélection et de développement de la branche semencière suisse lit NOVEMBRE à la fin de l’année dernière. Elle s’appelle Evelyne et s’entiche de ce bouquin, en offre un ou deux bouquins à des amis. Les travaux reprennent, on se perd de vue et le temps passe.
Nos routes se croisent à nouveau en mars de cette année à Ins, à l’occasion d’une rencontre d’agriculteurs, de membres d’ONG, de biologistes, de cimentiers, de paysagistes, de pédologues et de politiques qui se sont donné rendez-vous pour évoquer les problèmes liés à l’utilisation des sols dans le Grand Marais.
Evelyne se penche vers moi au terme de la journée, me sourit, hésite, se lance enfin. Elle m’explique que son entreprise – DSP – est sur le point de fêter les 25 ans de son existence et qu’elle souhaiterait que j’écrive quelque chose pour participer moi aussi à la fête, quelque chose qui aurait les dimensions d’un chapitre de NOVEMBRE. Elle ajoute pour me séduire que j’aurai toute liberté et que les portes de son entreprise me sont ouvertes.
C’est fait, je lui ai envoyé le texte ce matin, 40’000 signes. J’y évoque Jean-Loup Trassard et Dormance, Gustave Roud et son Journal, Mendel et ses lois, Darwin et Caillois, la famille fribourgeoise des Castella; mais aussi les Révolutions française et helvétique, la division du travail et la tristesse; le Musée romain de Vallon et la multiplication des pains de l’église de Ressudens, les moulins Bossy et l’Oxford Pub de Corcelles. Mais aussi et surtout une poignée de grains de blé qui nous vient de la nuit des temps et d’un rêve.
Combien j’ai touché pour le taf? Dix sous de l’heure, moins que les paysans et les employés de commune. C’est naturellement peu, trop peu. Mais la liberté restera un cache-misère aussi longtemps que l’écriture – et la littérature avec elle – dédaignera ces territoires triviaux dans lesquels nous vivons, et que les entreprises ne seront pas convaincues qu’elles ont tout à gagner que l’on parle librement d’elles.