Gif-sur-Yvette | le dimanche 23 mai 2022



Cher Jean,

J’ai rêvé, comme Rambert, d’être changé en martinet. Je continue. Ils dorment en vol, soutenus par les souffles de la nuit. J’ai parfois entendu, vers minuit, leur trille dans l’azur assombri.

Figure-toi que c’est en juillet 1978, deux ans avant toi, seulement, que j’ai lu, au prix des pires peines, La Phénoménologie de l’esprit. Si je n’ai pas été disloqué, à peu près anéanti, par l’idéalisme absolu, c’est que j’avais lu Marx, qui règle son compte à Hegel en trois foudroyantes pages.

De son voyage dans les Alpes, je ne savais rien, que les deux mots qu’elles lui ont inspirés : « Cela est ».

Et puis il y a ceux, mémorables qu’il a adressés à ses compatriotes lorsque l’armée française, après avoir écrasé les Prussiens sur le plateau du Landgrafenberg, a fait son entrée à Iéna : « Regardez ! C’est l’Esprit du monde qui passe, à cheval ».

Pas souvenir d’un mois de mai aussi beau, aussi chaud que celui qui s’achèvera bientôt.

Amitié

Pierre

Gif-sur-Yvette | le samedi 15 janvier 2022



Cher Jean,

C’est sous de sombres auspices que s’annonce 2022, sanitaires, politiques, sociaux… Pour la première fois, les jonquilles ne sont pas sorties et on s’interroge. Qu’appréhendent-elles donc ?

Le loup est réapparu en Corrèze après un siècle d’absence. Il a dévoré deux béliers, égorgé des moutons dont, fin gourmet, il n’a consommé que le foie. Ca va pimenter la vie somnolente de la campagne.

Bonne année envers et contre tout.

Pierre

Gif-sur-Yvette | le mercredi 24 mars 2021



Cher Jean,

Ton texte s’ouvre sur un divorce, une défaillance, une perte de signification qui se propagent jusqu’à la fin. Il s’achève sur un saut réflexif, une résolution méthodologique qui, ayant posé, admis, la difficulté de la tâche, la fragmentation, l’évanescence de l’objet, postule une cohérence enfouie, un sens immanent qu’une recherche parente de celle du chien de chasse, finira par circonscrire, par porter dans l’ordre de l’évidence.

Le lecteur est bousculé par l’apparition plus ou moins aléatoire d’un vieux berger, les scènes de la vie villageoise, l’émergence de souvenirs personnels. Le matériau est là, à l’évidence. Manque encore cette ordonnance seconde que tu sens confusément, indiscutablement et à laquelle, seuls, l’effort roturier, l’énergie du désespoir, parfois, permettent d’accéder. Les dieux envieux n’ont pas voulu nous livrer le fin mot. Mieux, non, pire, ils font tout ce qu’ils peuvent pour qu’on ne le trouve jamais. Tu oses prétendre t’en emparer. Ils vont te le faire payer. Ca vaut le coût.

Courage et amitié

Pierre