Consolations

Ecoute
le cri de l’archer
lorsque la flèche est sur le point d’atteindre son but
écoute sa détresse
car ce qu’il y a là-bas entre saules et aulnes
n’appartient à personne
pas plus que les étoiles
lorsque la seconde flèche disparaît dans la nuit

les vers des poètes
venus sur le tard
ont rongé les racines du petit matin
si bien que la lune ne se confie plus aux marécages
pas plus que l’eau aux sourciers
ils ont abandonné la partie
mangent désormais des cactus
et chantent sur la cime
le refrain des consolations

va ton chemin sans plus t’inquiéter
la route est droite et tu n’as qu’à monter
portant d’ailleurs le seul trésor qui vaille
et l’arme unique au cas d’une bataille
la pauvreté d’esprit

Jean Prod’hom

Les chemins de la création

Alors que je me promenais dans un quartier de l’ouest de la Roche-sur-Yon, j’aperçus derrière un treillis un homme qui faisait les cent pas. Je le reconnus d’emblée, c’était une des étoiles montantes de notre littérature. La propriété était charmante, tuyas et mimosas chatouillaient le muret de clôture. Plus loin sous une tonnelle un groupe d’amis faisaient bombance. Était-ce sa propriété ? je ne le crois pas, qu’importe d’ailleurs. Heureux de l’aubaine je me cachai derrière un vieux hangar et observai discrètement les faits et gestes de celui qui, à coup sûr, sera demain l’égal des immortels.

Soudain il s’allongea, posa un coude à même la pelouse grasse – elle aurait mérité, je dois le dire, d’une sérieuse tonte – qu’il scruta avec une profonde attention, comme saisi par une inspiration divine. Le poète avait visiblement pêché un gros. Je le vis alors de mes yeux s’avancer sur le sentier de la création, avec un soin et à un rythme qu’il semblait dicter aux brins d’herbe eux-mêmes qu’il écartait un à un. Trop éloigné pourtant, je ne pus accéder à la vraie source de la création, à son allure, à sa couleur, à son chiffre qu’il semblait murmurer du bout des lèvres. Malheureux je dus me satisfaire du compte des brins d’herbe qu’il pinçait délicatement. En vérité il en compta 807 exactement avant de se relever comme effrayé par un abîme. Il commit un petit hennissement avant de s’éloigner et rejoindre les amis qui l’attendaient.

J’aurais donné cher, très cher pour connaître le détail d’une aventure spirituelle qui avait certainement mené ce demi-dieu à partager le repas des dieux.

Jean Prod’hom
31 mai 2010

Il y a les regrets

Il y a les regrets
la somnolence des chemins creux
il y a l’Orcia au pied de Bagno Vignoni
le dernier ours blanc de la banquise
les images qui rodent autour de l’absinthe
le futur antérieur
les jeux qui sont restés dans l’armoire
les poches trouées de la raison
Il y a disais-tu plus de deux ans déjà

Jean Prod’hom