L’automne à Pra Massin

On lui avait remis autrefois solennellement des interrogations, l’homme, la vie, le bonheur, l’amitié, elle n’en avait alors pas plus saisi le sens que plus tard la question de l’être, qu’elle avait tenues à bonne distance des années durant.
Elle en percevait l’écho aujourd’hui, lorsque fourbue, assez démunie pour tendre l’oreille au murmure de ce qui s’éloigne, elle croisait le cours tortueux d’une rivière au-dessous des brouillard de novembre, jaillissant hors des ronciers au détour d’un chemin, débordant sans ralentir, des perles plein les poches. On n’est jamais aussi près du plus lointain que lorsqu’il nous hèle dans le brouillard de novembre.

Jean Prod’hom

Dimanche 29 novembre 2009

Le bois mort rode sur l’aire de pique-nique et la fumée se mêle aux doigts calcinés des frênes, les taupes taupinent et les corneilles mastiquent les restes de la belle saison, entre les vieux tonneaux, quelques citernes rongées par la rouille et les pneus orphelins de la décharge de Montgesoye. Les cris des tronçonneuses trouent les collines dont on voit déjà les collets.
Le désespéré d’Ornans s’acharne sur une lyre prisonnière de la roue à aubes en miettes du moulin à Faux, les yeux exorbités, la luette frémissante, bris de céramique, fers forgés et radiateurs.
La Loue file sans broncher vers le Doubs, elle emporte le ventre d’un poisson en loques qui a rendez-vous avec le sud, le bus Besançon-Pontarlier est vide, les casques d’une douzaine de motards sont alignés sur l’unique table de la terrasse du restaurant-pizzeria-grill-salon de thé-glacier-crêperie du Dolmen. Et tandis que je fais les comptes près de Vuillafans, entre le barrage de Bersaillin et celui de Pasteur, j’aperçois sur la rive gauche de la rivière qu’elle touche à peine une plume blanche. Elle déjoue les plans de la providence et remonte muette la pente de la Loue.

Jean Prod’hom

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C’est autour d’un axe invisible situé à l’angle de l’angle mort du jour que courent les aiguilles de nos heures. Elles balaient morceau par morceau les choses qui s’enfuient d’orient en occident avant que la nuit, la nuit, l’angle de l’angle mort du temps ne remonte la belle machine.

Jean Prod’hom