XVII

Gros coup de blues ce matin! Que de rêves sur les présentoirs du tabac qui jouxte le café! Rapido, Bingo. Astro, Vegas, Poker, Banco, Fétiche, Black Jack, tous te promettaient le bonheur, te tendaient la main et tu les as dédaignés. Millionnaire, Goal, Morpion, XIII, Dédé, Solitaire, Oxo, Scrabble, Sudoku, Textra, Cash, Loto, Euro millions, autant d’occasions à côté desquelles tu as passé. Tu le regrettes aujourd’hui.
Décidément tu ne vivras pas comme un prince, certain pourtant d’avoir frôlé plus d’une fois le saladier d’or ou la bonne fortune. Tu as tout simplement manqué de flair, tu as manqué d’à propos, de courage, sans compter que tu n’as pas gagné Wimbledon comme tu te l’étais promis, ni inventé la poudre, ni calculé la martingale de la fortune. Tu regrettes de devoir le dire mais tu le dis tout de même, tu n’as servi à rien, tu es un bon à rien.

Jean Prod’hom

56

Le visage transparent et l’intelligence à fleur de peau il n’a pas de secret, il vit comme un ange qui traverse les nuées, sans l’ombre d’un vertige; il ne craint pas la profondeur des puits non plus, il y dort. C’est lui le secret.

Jean Prod’hom

Penser / classer

Le père a livré son fils à des assassins qui espéraient par sa mise à mort se donner un peu d’air. Comme le chat avec la souris. En acceptant ce destin, le fils s’est retiré du jeu et a abandonné ses frères à leur destin solitaire. Ils ont quitté le pays pour raconter son innocence et fonder ainsi à nouveaux frais ce que le père et le fils avaient dénoncé.
Le filon s’épuise, qui livrer désormais? où aller? où se retirer? où s’établir? que fonder?
Manquera peut-être bientôt ce peu de vide qu’il nous faut pour respirer, ne nous restera que notre ombre, qui le souhaite?
– Quelle autre issue?
– Prendre acte de notre finitude.
– Difficile!
– Je le crains.
– Mais que voulait exactement le père?
– Se donner, peut-être, un peu d’air.

Jean Prod’hom