Dimanche 15 mars 2009

J’aurais voulu être mortelle, plus souvent mortelle, me confie la vieille femme sur le banc devant sa maison, mais je n’y parviens que rarement. Trop souvent je crains d’être jetée par dessus bord. Je m’accroche alors au peu qui me lie à ce que j’ai été, espérant par là être encore un instant. Je passe en revue le cortège des petites douleurs, des stigmates et des insomnies qu’accompagnent les souvenirs et quelques rêves. Epuisée par la férocité des premières et par le vacarme des seconds, je songe alors à mes enfants qui ferment la marche. Le cortège qui s’éloigne, me lave comme une averse. J’aperçois l’herbe fauchée sur le talus, le coquelicot miraculeusement épargné, le feu âcre des brindilles. Le chat s’assied à mes côtés, je l’entends ronronner et meurs un instant.

Jean Prod’hom

Ente terre et ciel

Dieu pria son fils de s’asseoir à mi-chemin, sur le 807e degré de l’échelle de Jacob, histoire de faire un peu de tirage. Comme chacun le sait, le fils refusa.

Jean Prod’hom
5 mars 2009

Ressentiment

Je n’y crois pas d’abord, mais ce sont bel et bien des moutons, des moutons à l’œil vengeur. Ils défilent là, devant moi, à la queue leu leu et me jettent un regard noir. Ils s’immobilisent un peu plus loin prêts au combat. Je tremble, j’en compte 807. À l’instant même où ils lancent leur charge, je me réveille en nage.

Jean Prod’hom
2 mars 2009