Rue Schaub

Genève / 19 heures

Je ne désire rien d’autre de la vie que la sentir se perdre, au long de ces soirées imprévues, au milieu d’enfants inconnus et bruyants qui jouent dans ces jardins, confinés dans la mélancolie des rues qui les entourent, et couverts, au-delà des hautes branches des arbres, par la voûte du vieux ciel où recommencent les étoiles.

Fernando Pessoa, Le Livre de l’intranquillité

Le Tranquille

Vevey / 16 heures

Je jette ma boîte d’allumettes, vide à présent, dans cet abîme de la rue, au-delà de l’appui de ma fenêtre dépourvue de balcon. Je me redresse sur ma chaise, et j’écoute. Nettement, comme si elle signifiait quelque chose, la boite d’allumettes vide résonne sur la chaussée, qu’ainsi elle m’annonce déserte. Aucun autre son, sauf ceux de la ville entière. Oui, les sons de la ville tout entière, si nombreux, sans se concerter, mais tous justes.

Fernando Pessoa, Le Livre de l’intranquillité

En Rachigny

Riau Graubon / 14 heures

(MOLTNER)
Une volonté de fer s’unissait en lui à une passion de la recherche, toujours en quête de frontières à traverser. Mais il était trop versatile pour jamais atteindre un but lointain. Il errait aux confins des choses, changeait de maîtres, d’idées et de problèmes, et était prompt à se laisser décevoir.

(EJNAR)
Ses traits dénotaient l’un de ces tempéraments opiniâtres, insensibles à tout ce qui ne les attire pas, mais qui s’accrochent à l’objet, une fois qu’ils l’ont saisi, et qui poursuivent leur avance dans cette unique direction. De telles natures sont de bonnes fondation pour les écoles, car ce qu’ils ont connu leur entre dans la chair et le sang.

Ernest Jünger, Visite à Godenholm