Sous le Repuis

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Grandson / 10 heures

Une douzaine de perce-neige secouent leur bonnet blanc sur le talus de la petite route qui mène du port de Grandson au camping de la Corcelette; je les regarde une nouvelle fois pour la première fois, me promettant de ne rater pour rien au monde les bourgeonnements et les floraisons qu’elles annoncent. Oublieux des engagements pris voici exactement une année, sur une autre route, et auxquels il m’avait fallu bien vite renoncer quelques jours plus tard, lorsque d’innombrables signes étaient apparus sur les talus et dans les prés, dans les bois, aux lisières et dans les champs, anéantissant mon désir d’inventorier les merveilles, de fixer leur nom et l’ordre de leur succession.
Les troupes mises à la disposition du printemps sont telles que nous sommes très vite débordés, qu’elles ne nous autorisent bientôt, après les chatons des saules et des noisetiers, les crocus et les primevères, qu’à suivre leur déploiement jusqu’aux grands feux de l’été.
Je fais une halte au retour dans la Grande salle de Mézières où s’organise la bourse annuelle aux oiseaux; les chardonnerets, les verdiers et  les moineaux du Japon sont décidément bien à l’étroit dans leur petite prison. Je note quelques-uns des patronymes des marchands fixés aux barreaux de leurs protégés : Natividade, Liberado, Palmisano, Pastorello, Ciliberto… De tels noms n’auraient-ils pas pu leur suffire?

Les Quarante Poses

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Gruyères / 13 heures

Sandra et les filles ont skié cet après-midi sur les pentes orientales du Niremont, elles m’ont laissé au parking de Rathvel à 11 heures 30, là où la Trême resserre ses eaux avant de prendre son élan. Des raquettes auraient été les bienvenues, elles auraient avantageusement accompagné les deux bâtons que j’ai eu l’heureuse idée d’emporter, mais elle m’auraient évité surtout de brasser des litres et des litres de neige fraiche. J’ai longé la Trème pendant trois grosses heures sous le soleil.
La couche de neige est importante à 1200 mètres, j’y ai croisé d’innombrables traces et un chevreuil qui s’est retourné après avoir fait mine de s’enfuir. La neige se retire en-dessous de 1000 mètres et les mésanges se mutiplient sur les branches basses des mélèzes. A 800 mètres, elle a fondu le long des lisières, sous les haies, sur les rives des ruisselets, dans les vergers; elle a la couleur noire de la terre des taupinières, une grande poussée se prépare en sous-sol.
La Trême avait rendez-vous, on s’est quitté sur la passerelle qui mène à la rue des Colombettes. Elle s’est hâtée de rouler ses eaux pour retrouver à Broc, après l’Ondine, les eaux le la Sarine; quant à moi, je devais ne pas rater le train de 15 heures 33 à la gare de Bulle.
La rame à points rouges des TPF est bien jolie, elle s’appelle Mon bi payi. On a longé le versant occidental des Alpettes puis celui du Niremont, on a fait halte à Vuadens, Vaulruz et la Verrerie avant de glisser depuis Semsales jusqu’à Châtel-Saint-Denis, en suivant le cours tout neuf de la Broye. J’ai retrouvé Sandra et les filles qui m’attendaient à 16 heures à la gare.
On n’imagine pas ce que les nuits qui suivent de telles escapades, somme tout assez physiques, leur doivent.