Jardin

Riau Graubon / 17 heures

Au terme de la finale de tennis à Melbourne, Roger Federer embrasse la coupe qui lui est remise; il n’embrasse pas qu’une seule fois ce corps inerte, comme d’autres l’ont fait avant lui, souhaitant ainsi toucher une fois des lèvres le visage glacé et clos des morts, mais il l’embrasse à plusieurs reprises, presque fougueusement; il la tient serrée contre son coeur, puis l’approche une nouvelle fois de son visage, l’embrasse encore, encore, jusqu’à ce qu’il s’avise de son égarement et s’interrompe en grimaçant. J’ai cru un instant qu’il allait la jeter par terre.
Un seul baiser sur la joue froide et cireuse d’un mort devrait suffire à ne jamais vouloir recommencer. Qui l’a fait une fois s’en souvient toute sa vie.

Je passe quelques heures dans l’enceinte de l’abbaye de Hauterive, il fait beau; Pierre-Yves bataille avec les taupes qui mettent en danger les jeunes fruitiers; plus loin des chèvres mâchouillent le foin glissé sous leur abri. Je détaille les poteaux, pannes, chevrons et voliges de l’appentis qui, recouvert de tuiles plates, offrira en été un peu d’ombre aux visiteurs. Sur le mur auquel l’appentis s’adossera demeure l’empreinte laissée par une vigne vierge et, sans corps, les pousses printanières s’accrochent au vieux crépi. Tout autour du bâtiment principal, les grands arbres ont été abattus et laissent la place à de jeunes pommiers, poiriers, cerisiers, griottiers, pruniers.

Pierre-Alain Meier, Adieu l’Afrique, 2017

Combles

Riau Graubon / 18 heures

Grand tour avec Oscar par le chemin des Pervenches, entre deux et quatre, et boue et flaques. Dans la tête une phrase de Rousseau, qui pourrait faire un titre.

Je ne pouvais m’arracher de là sans effort.

Grève d’Ostende

Portalban / 12 heures

Me mets sitôt levé sur les traces de W. G. Sebald qui, parti d’Ins en septembre 1963, rejoignit la crête du Schalterain, avant de déboucher dans les champs qui dominent Lüscherz et le lac. Il prétendit voir l’île Saint-Pierre baignée d’une lumière blanchâtre et frémissante. C’est seulement trente et un ans plus tard qu’il s’y rendra en bateau depuis Bienne.

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Lecture et extraction de la cinquième promenade des Rêveries d’un promeneur solitaire, je termine à 15 heures, Louise m’attend devant le local des pompiers à Mézières; je la conduis aux Croisettes, m’installe à la Gourmandine et termine devant une verveine La Petite Brume de Jean-Pierre Rochat.

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Le chapitre 38 de la règle de saint Benoît précise que le lecteur qui s’acquitte de son office pendant le repas ne saurait être le premier venu et qu’il se doit de prendre toutes les précautions pour ne pas céder, durant la semaine où il officie, à l’orgueil et à la complaisance.
Les commensaux gardent le silence et on ne doit entendre que la voix de celui qui lit. On prend des mesures en amont  pour que les participants se servent les uns les autres de telle façon que personne n’ait de raison d’ouvrir la bouche. Et au cas où, on préfère l’émission d’un son ou l’esquisse d’un signe à la parole articulée.
Les convives ne seront pas tentés de poser quelque question que ce soit à propos de la lecture qui ne produisent, pour éviter toute dissipation.

Ce jour-là, j’entendis trois lectures:
– les cinq règles de saint Benoît sur l’excommunication,
– le récit du martyre de saint Quentin,
– un chapitre de l’ouvrage de Georges Andres, Grégoire Girard, apôtre de l’école pour tous.