Eaux mortes

Malgré la pression
les incessantes demandes
on ne termina aucun des aqueducs
prévus dans le plan directeur

on invoqua de secrètes divergences
la faible ingéniosité des ouvriers
juchés sur des draisines
d’un autre temps

on aménagea deux ou trois bisses
conduisant l’eau souillée des marais
dans des creux de pierres et de ciment
périodiquement curetés
situés en périphérie de la capitale
on y remplissait des jarres vendues en ville
d’eaux saumâtres
lessives sommaires

malgré de courageux essais
l’intelligence reculait
dans les sous-sols de la ville
l’équilibre était rompu

on se fourvoya
en avançant l’insuffisance des moyens
l’ambitions et les fins
on brisa tous les récipients en terre cuite

quelques désespérés
envoyèrent des émissaires
par-delà l’océan
comme toujours certains attendent leur retour

d’autres guettent les pierres utiles
à la réfection des chaussées
qu’ils emprunteront lorsqu’ils estimeront
qu’il est enfin temps de partir

Jean Prod’hom

Parabole

«Je cherche un homme» répétait Diogène en parcourant la ville d’Athènes avec sa lanterne.

À Œdipe qui se demande comment retrouver à cette heure la trace incertaine d’un crime si vieux ? Créon répond : «Ce qu’on cherche, on le trouve ; c’est ce qu’on néglige qu’on laisse échapper.»

Et toi pauvre insensé, que réponds-tu à celui qui te demande ce que tu cherches au cœur de ces lignes, et que tu ne trouves pas ? Dis, que réponds-tu ?

Jean Prod’hom
17 octobre 2010

Il y a les corps usés

Il y a les corps usés
la soupe aux lentilles
les boîtes à musique
il y a le trait qui unit Jésus au Christ
il y a les caméras de surveillance
la mort sans bruit
il y a l’eau de mer
les désillusions salutaires
le mélange des genres

Jean Prod’hom