Dimanche 12 avril 2009

Les choses, toutes les choses s’enfonçaient dans le gris et l’indistinct, on en venait même à penser autour de la table qu’il n’y avait plus de saisons, on toussait, les enfants ne voulaient plus sortir, le pneu d’un des trois vélos était crevé, le pédalier du second était déboîté, et puis c’était jour férié.
Seule l’amitié et la ronde des vertus tenaient le monde debout.
On tentait bien avec une réelle bonne volonté d’admirer les pâleurs, celle des labours, celle des jachères, celle des chênaies promises, de la rivière et des terres à l’abandon. On avait beau montrer du doigt les lamentations des ceps, les piquets pourris des clôtures, quelques coquelicots au sang noir et les iris fanés sur les tables de communion, tout le monde au fond retenait son souffle, l’horizon s’était dissimulé en arrière du ciel et de la terre.
Le soleil allait revenir, on croyait le savoir, enfin on l’espérait.
Les nuages ont fui, sans rien laisser derrière eux, avant même le lever du soleil qui a triomphé encore une fois. Et le chant des oiseaux a dégrossi le jour. Et toutes les choses ce lundi-là ont retrouvé alentour leur place, leur nom et leur ombre: les iris, les pousses vert tendre du murier, les fleurs de Judée, les échelles oubliées contre les arbres, le lilas neuf, les éclats d’argent dans le lit du Lez, les feuilles du tilleul luisantes de sucre.
Les plaintes se sont tues, les pêcheurs tôt levés ont scruté du pont près de la boulangerie les eaux généreuses du canal de Testoulas, la roue tournait.
Dans l’après-midi, un homme et une femme étaient étendus dans l’herbe les yeux fermés pas loin du Lez, on entendait un peu plus loin un peu plus haut dans les bois les cris d’enfants qui reconstruisaient le monde.

Jean Prod’hom