La Montagne de bas (Célestin Freinet XXVII)

Annecy / 15 heures

Ce n’est pas en obligeant l’enfant à faire des actes qu’il ne comprend pas, pour lesquels il ne se sent aucun attrait, qu’on l’habituera à vouloir avec force et décision. Car vouloir quoi? Il ne suffit pas de dire: « Il faut vouloir! » Encore est-il nécessaire de distinguer dans quel sens exercer sa volonté. […]
Ce qu’il faut, ce n’est pas apprendre à vouloir mais apprendre à vivre. C’est un art, je le reconnais, autrement délicat que de donner un devoir ou de suivre la récitation d’une leçon. Vous ne pourrez d’ailleurs y réussir que si y concourent trois composantes majeures: la persistance de cette volonté de vivre, de grandir, de monter, malgré les risques, les peines et les souffrances, volonté qui anime l’être le plus déshérité, et qui est d’une puissante obstination chez le jeune enfant; la collaboration bienveillante et la participation éducative du milieu ambiant, et enfin l’intuition et la compréhension intelligente, sympathique et agissante des éducateurs.

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
L’effort, le plaisir et les jeux

Bibliothèque (Célestin Freinet XXVI)

Photo | Romain Rousset

Bibliothèque / 12 heures

Seulement voilà: vous avez tout faussé par la superficialité de vos pratiques et de vos conceptions. L’école ne doit pas rechercher systématiquement le plaisir, pas plus qu’elle ne doit cultiver la souffrance. Plaisir et souffrance ne sont jamais des forces profondes; ils sont seulement des manifestations, des indices, comme le jeu mollement huilé d’un moteur harmonieux ou les claquements et les butées sourdes qui marquent l’effort anormal et l’usure dangereuse qui en est la conséquence.
Ne croyez pas résoudre le grave problème de l’éducation en substituant arbitrairement, à l’école austère et antinaturelle, celle que des contemporains ont appelé l’école riante ou l’école joyeuse. C’est tout simplement peindre un masque trompeur sur une réalité qui n’en persistera pas moins, à peine déformée peut-être. Et vous courez le risque d’habituer les enfants à rechercher le plaisir pour le plaisir, à fuir une souffrance qui ne serait que l’antithèse du plaisir.

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
L’effort, le plaisir et les jeux

Moille-aux-Blanc (Célestin Freinet XXV)

Riau Graubon / 16 heures

Non, les actes des hommes ne se réalisent jamais par le seul effort de volonté, mais parce qu’ils sont la conséquence, la résultante, de tout un comportement. Si le torrent qui descend furieux de la montage arrache les pierres et les arbres sur sa rive, ce n’est point qu’il porte en lui, comme un génie du mal, la volonté et la puissance de frapper le obstacles. Cette force de destruction qu’il est impossible d’isoler, si ce n’est arbitrairement, n’est qu’une composante dans laquelle interviennent le débit, la pente, la chute, les conditions atmosphériques et même l’accident qui a chargé le flot de quelque roc ou d’un cep noueux qui agissent ici comme d’invincibles boutoirs. […]
Un bon conseil: ne parlez pas trop de volonté à l’école, pas plus que dans la vie d’ailleurs. C’est un mot qui s’est définitivement usé parce qu’il a trahi les espoirs qu’on avait mis en ses vertus. […]

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
L’effort, le plaisir et les jeux