Post tenebras lux

Une épaisse crème de plomb tapisse le ciel, maussade jusqu’à l’os. Les grenouilles se frottent les mains, la boue colle aux chaussures, les pissenlits sont éteints. Haies de thuyas, traînée de grisaille, je ne me souviens plus du temps d’avant. Le trèfle a la tête baissée, le chat squatte la niche du chien, l’humidité vient de partout, du ciel mais aussi des champs et des rivières, zigzags de vent, il pleut des misères sur une forêt de parapluies, dans leur imperméable les fonctionnaires partent au travail. Tout est sombre, désespérance en crue, pas l’ombre d’une issue, le ressentiment ronge les visages. Seuls les essuie-glace se réjouissent, ils ont cessé de couiner et rament de bon coeur. J’attends, le soleil reviendra bien.
Je lève les yeux vers les nuages qui filent plus loin annoncer la mauvaise nouvelle. Regardez! ils déroulent dans leur sillage un large et inouï tapis bleu. Le soleil guigne et se frotte contre mon chandail. Je fonds, le corps à l’arrêt. Le bitume d’argent coule à flot sur les routes, c’est l’éclaircie, on voit des choses qu’on n’aurait jamais crues, les malheurs du monde sont effacés, deux draps blancs fasseyent sur l’étendage.

Jean Prod’hom