LXXXVIII

Il y a plus d’une année qu’on ne les a pas revus au village, Michel et Marjolaine mènent leur retraite tambour-battant, sans enfants ni petits-enfants, libres comme l’air. C’est la fin de l’après-midi et il fait beau sur la terrasse du café, on n’entend qu’eux, ils nous racontent leurs voyages dans le Tyrol, en Croatie, à Naples, et puis dans les Cévennes. Deux nouveautés sautent aux yeux, la petite caravane qui les suit partout et que l’on aperçoit sur quantité de photographies, et puis, plus grave, la manière dont ils s’adressent la parole :
– C’est dans un camping à l’entrée d’Anduze, la veille du 14 juillet.
– Mais non papy, c’est à Sainte-Enimie, lorsque nous revenions de Florac.
– Mamy! je t’en prie, tu n’y es pas.
– Papy!
On se regarde d’un oeil étonné avant de trouver l’explication la plus vraisemblable : Michel et Marjolaine s’appellent papy et mamy depuis qu’ils se sont acheté une caravane, par manque de place.

Jean Prod’hom